
Activisme, ne pas se tromper de combat

Il est dit que la France et les investisseurs étrangers sont condamnés à vivre des amours contrariées. L’attractivité de notre économie et de la Place financière de Paris, tombée au plus bas après l’éphémère taxe anti-riches à 75 %, s’est nettement redressée depuis trois ans, une tendance à peine interrompue par la crise des Gilets jaunes. Encore faut-il ne rien considérer comme acquis, et préserver son pouvoir de séduction au prix d’une attention de tous les instants.
Or, ces derniers mois, en présentant d’emblée les fonds activistes comme une menace, les débats franco-français ont parfois exhalé un parfum de protectionnisme. Entendons-nous bien : la bonne gestion des affaires ne saurait avoir pour effet de déstabiliser des entreprises bien établies, livrées en pâture à des pirates qui s’empresseraient de disparaître dans la nature une fois leurs gains empochés (lire l’Entretien page 6). Mais les vendeurs à découvert, dont on critique le cynisme et l’approche de court-terme, ne sont-ils pas le pendant de certains investisseurs dits « longs », qui peuvent pour leur part spéculer à la hausse sans détenir d’actions, et que nul ne se propose d’entraver ? Quant aux réflexions autour du prêt-emprunt de titres, elles rappellent que ce carburant des « short-sellers » est obligeamment fourni par institutions ayant pignon sur rue. En tirant les conclusions de ces travaux, l’Autorité des marchés financiers devra veiller à ne pas prêter le flanc aux accusations de partialité et donner le sentiment qu’elle chercherait à préserver une forme d’entre-soi. Il y va de l’avenir de la Place. Si Londres est devenue la capitale de la finance européenne, elle le doit notamment à des lois jugées plus protectrices pour les investisseurs que celles de la France. La bonne gouvernance et les performances économiques restent pour l’entreprise cotée les meilleurs remparts contre les attaques.
Un vrai danger, lui, guette toujours : l’illettrisme économique d’un pays si prompt à ériger la finance en ennemie, comme l’illustre la ridicule affaire BlackRock. Parce qu’il est Américain et que son patron Larry Fink a eu les honneurs de l’Elysée, aux côtés d’autres dirigeants, le gestionnaire d’actifs s’est retrouvé happé dans une polémique qui le dépasse. Qu’importent les arguments rationnels. En ces temps où les théories du complot prospèrent sur la bêtise, les démagogues ont compris qu’il suffit de répéter des mensonges pour que ceux-ci prennent l’apparence de la vérité. Ceux qui colportent la vision farfelue d’un BlackRock dictant dans l’ombre la réforme des retraites ne se situent hélas pas seulement aux deux extrêmes du spectre politique. Les activistes les plus dangereux ne viennent ni des Etats-Unis ni de la City britannique. Ils vivent en France, et l’industrie financière devra déployer des trésors de pédagogie pour les combattre.
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