
Vinci et Eiffage profiteraient d’une réélection d’Emmanuel Macron

L'élection présidentielle arrive dans sa dernière ligne droite. Electeurs et investisseurs sauront dimanche qui deMarine Le Penou d’Emmanuel Macron occupera l’Elysée pendant les cinq prochaines années. Dans la communauté financière, l’issue de ce scrutin sera particulièrement suivie par les actionnaires des gérants d’infrastructures.
Une victoire de Marine Le Pen aurait des conséquences multiformes pour ces sociétés. Dans le cas de Groupe ADP, elle effacerait toute prime spéculative liée à une hypothétique privatisation de l’exploitant des aéroports franciliens. «Avec Marine Le Pen, la probabilité d’une privatisation passerait à 0», souligne Charles Maynadier, analyste au sein de Kempen & Co. «Mais même dans le cas d’une réélection d’Emmanuel Macron, elle demeure faible, entre autres car ce dossier reste très sensible politiquement», complète le responsable.
Nationalisation
Les entreprises de construction Vinci et Eiffage sont, elles, particulièrement exposées à une mesure : la renationalisation des concessions autoroutières. Marine Le Pen compte ramener dans le giron de l’Etat ces concessions avant les échéances de leurs contrats, prévues entre 2031 et 2036 pour les plus importantes d’entre elles. La candidate du Rassemblement national promet aux électeurs une baisse des prix des péages d’environ 15% grâce à cette décision.
Vinci et Eiffage, qui, avec l’espagnol Abertis, exploitent l’essentiel du réseau autoroutier en France, perdraient alors des activités clé, comptant pour «plus de la moitié de leur résultat opérationnel», pointe un analyste parisien. Les concessions autoroutières sont très rentables : Vinci Autoroutes et Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR), contrôlé par Eiffage, ont dégagé des marges brutes d’exploitation (Ebitda) respectives de 74,2% et 73,7% l’an passé. «Les marges sont élevées car les actifs autoroutiers comportent beaucoup de coûts fixes qui progressent par définition moins vite que les revenus», explique Charles Maynadier.
Une victoire de Marine Le Pen provoquerait un plongeon des titres des deux sociétés. «Leur cours de Bourse chuterait», avertit l’analyste parisien qui note que, pour l’heure, le marché n’attribue pas une «probabilité très élevée à ce scénario». «La confiance des investisseurs serait sérieusement entamée, surtout [celle] des investisseurs anglo-saxons. Des incertitudes importantes pèseraient alors pendant des mois voire des années sur les actions Eiffage et Vinci», abonde Charles Maynadier.
Pour le moment, Emmanuel Macron reste favori, les récents sondages le créditant d’un score compris entre 54% et 56,5% au second tour. De plus, même si ces enquêtes étaient invalidées, Marine Le Pen, une fois élue, pourrait être contrainte de s’allier à des partis plus modérés pour obtenir ensuite une majorité à l’Assemblée nationale, «ce qui impliquerait des compromis politiques», souligne Pietro Baffico, économiste chez le gérant écossais Abrdn. Une partie de son programme pourrait alors ne pas être appliquée.
Surtout, la nationalisation des concessions autoroutières se heurterait à une difficulté de taille : la compensation financière. «Les jurisprudences européenne et française prévoient que l’Etat doit indemniser la société d’autoroute de ses investissements non amortis et des bénéfices futurs sur le reliquat de la durée de la concession, ce qui peut être compliqué à évaluer sur le long terme», rappelle Eric Landot, avocat et fondateur de Landot & associés.
Le délicat virage de la décarbonation
Le Rassemblement national chiffre le coût de l’indemnisation des groupes privés à 6 milliards d’euros mais ce montant n’intègre pas la reprise de la dette des sociétés concessionnaires d’autoroutes. «Les différentes évaluations vont de 20 milliards à 50 milliards d’euros, dette comprise, sachant que les estimations du gouvernement actuel se situent sur le haut de cette fourchette», indique le sénateur Union centriste de l’Essonne, Vincent Delahaye, auteur d’un rapport en 2020 sur les concessions autoroutières. Les analystes financiers avancent des chiffres plus élevés : JPMorgan Cazenove retient un montant de 66 milliards d’euros et Morgan Stanley une somme de plus de 65 milliards d’euros.
«Marine Le Pen peut très bien abandonner cette promesse de campagne au vu des obstacles sur le plan financier», juge Charles Maynadier.
Par ailleurs, une renationalisation imposerait à l’Etat de mener seul le délicat virage de la transition énergétique des autoroutes. «Aujourd’hui, l’Etat concédant sait très bien qu’il a besoin de nous et de nos collègues des autres réseaux autoroutiers pour accélérer la décarbonation de ces infrastructures», a argué la semaine dernière le PDG de Vinci, Xavier Huillard. «Se passer des groupes privés pour gérer les autoroutes constituerait une mauvaise idée pour l’Etat, au vu des investissements nécessaires pour moderniser et entretenir ces infrastructures. Le modèle de concessions a fait ses preuves et est certainement le meilleur», fait valoir de son côté Charles Maynadier.
Les écueils à une nationalisation des concessions autoroutières ne manquent donc pas. Néanmoins l’incertitude politique empêche Vinci et Eiffage de décoller, les deux actions se situant à plus de 20% des objectifs de cours moyen compilés par FactSet. Les analystes demeurent optimistes : la totalité d’entre eux recommandent d’acheter l’action Vinci, 85% celle d’Eiffage. De quoi inciter les investisseurs à miser sur une réélection du président sortant, qui représenterait un soulagement pour le marché et propulserait les titres des deux groupes.
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