
Vincent Policard : «KKR souhaite jouer un rôle prépondérant dans les transitions énergétique et digitale»

L’Agefi : quelle est la stratégie de KKR dans les infrastructures ?
Vincent Policard : L’activité de KRR dans les infrastructures a démarré il y a une dizaine d’années et s’est considérablement développée depuis. A titre d’illustration, à mon arrivée en 2012, nous avions 200 millions de dollars sous gestion, aujourd’hui, nous gérons 24 milliards de dollars dans le monde. Nous suivons deux types de stratégie d’investissement : le ‘core plus’ en Europe et en Amérique du Nord, pour environ 20 milliards de dollars, avec une répartition d'à peu près 50/50, et l’Asie pour 4 milliards, géographie dans laquelle nous investissons sur des actifs ‘core plus’ dans les pays développés et sur des actifs ‘core’ dans les pays en développement de la zone, comme les Philippines par exemple. Depuis nos débuts, nous avons réalisé 40 investissements dans ces géographies, dont 18 en Europe. Sur ce continent, nous avons un rythme de deux investissements par an, excepté en 2020 où nous en avons réalisé quatre dont Viridor au Royaume-Uni, dans la gestion des déchets avec une approche d’économie circulaire et Fibercorp en tant que minoritaire en Italie, une filiale nouvellement créée de Telecom Italia. Celle-ci gère le réseau télécom fixe de cet opérateur, qui est aujourd’hui un mélange de cuivre et de fibre mais deviendra à l’avenir un réseau 100% fibre quand l’important programme d’investissement convenu avec Telecom Italia sera réalisé.
La France a toujours été un marché important pour nous, avec quatre investissements réalisés depuis nos débuts dans des actifs français ou avec une forte présence dans le pays : Renvico en 2011 dans l’énergie renouvelable, que nous avons revendu à Engie l’an dernier ; Coriance de 2012 à 2016, dans les réseaux de chaleur ; le néerlandais Q-Park en 2017 qui détient 216 parkings en France ; et Hivory en 2018, les tours mobiles de SFR pour près de 50%. Cette dernière transaction constituait d’ailleurs le plus important investissement étranger en France en 2018. Au total, la France représente entre 10% et 20% de nos fonds core plus.
Comment définissez-vous cette stratégie core plus ?
Selon notre stratégie, une infrastructure n’est pas un aéroport ou une route mais avant tout un profil de risque, que nous analysons en fonction de sa corrélation avec l’économie, avec l’inflation, la visibilité de ses cash flows… Nous appelons cette stratégie core plus car nous visons un rendement à deux chiffres. Si l’on prend l’exemple des aéroports, selon le profil de risque, de revenus, s’ils sont régulés ou non, deux actifs d’un même pays peuvent être considérés comme une infrastructure pour l’un mais pas pour l’autre. Nous recherchons en priorité une préservation du capital quasi-garantie mais aussi une situation nécessitant un investisseur actif pour créer de la valeur de deux manières : par l’amélioration de la performance et par la croissance. C’est pourquoi nous regardons en priorité des histoires soit d’actifs sous-gérés, soit de plates-formes disposant d’un fort potentiel de croissance. L’avantage d’investir pour KKR est que la société gère des fonds pour toutes les stratégies du non-coté donc nous n’avons pas besoin de sortir de notre propre stratégie. Dès lors que nous identifions un actif intéressant, nous cherchons d’abord quelle est la poche de capital la plus appropriée pour y investir.
Comment analysez-vous l’environnement concurrentiel en Europe pour l’investissement en infrastructures ?
Le marché des infrastructures européen dispose d’énormément de capitaux mais nous arrivons à déployer nos fonds assez facilement, comme l’illustrent nos quatre investissements en 2020 pour 6 milliards de dollars. Trois de ces opérations étaient bilatérales, sans intermédiaire. KKR a la capacité de mobiliser des capitaux très conséquents. A titre d’exemple, nous avons fait deux transactions à plus de 2 milliards de dollars cette année.
Quel est l’impact de la crise du Covid-19 sur l’activité de KKR Infrastructure en Europe ?
La crise sanitaire a eu un fort impact sur quatre segments des infrastructures : les transports, les énergies traditionnelles, la transition énergétique et les télécoms. Les énergies traditionnelles et les transports ont souffert de la situation alors que la transition énergétique et les télécoms ont parfaitement navigué dans cet environnement complexe. Lorsqu’on observe les investissements que nous avons réalisés ces dernières années avec le marché actuel, nous constatons que nous avons peu investi dans les transports, que nous avons été pondérés dans les énergies traditionnelles et que nous sommes surpondérés dans les infrastructures télécoms. Il me paraît difficile d’avoir un portefeuille aussi adapté à la crise que le nôtre. Sur les 11 sociétés dont nous sommes actionnaires en Europe, neuf opèrent soit dans la transition énergétique, soit dans les télécoms. Nous n’avons donc rencontré aucun problème au sein de notre portefeuille, ce qui explique notre activité soutenue en matière d’investissements ces derniers mois. De plus, la transition énergétique et la transition digitale sont au cœur des dispositifs de relance de l’Union Européenne, de la France et de l’Allemagne. Si le développement digital apparaît comme une évidence, nous avions des doutes sur le maintien de la volonté politique en matière de climat dans ce contexte de crise. La réponse des gouvernements a été claire mais l’argent public va se faire rare pour financer tous ces projets. Il y aura besoin d’investisseurs privés de premier plan. KKR souhaite jouer un rôle prépondérant sur ces sujets.
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