
Veolia et Suez livrent leurs dernières forces dans la bataille

Ce sont les trois jours les plus longs. Le conseil d’administration d’Engiedoit se prononcer mercredi 30 septembre, au plus tard, sur l’offre d’achat par Veolia de 29,9% du capital de Suez. Antoine Frérot, le PDG de Veolia, l’a martelé ces derniers jours : il ne prolongera pas le calendrier de son offre, malgré la tentative de conciliation menée samedi par le ministre de l’Economie, qui appelle depuis plusieurs jours à une temporisation. «Nous n’avons pas besoin d’une prolongation, mais d’une décision», a de nouveau insisté Antoine Frérot dans le JDD, pour expliquer son absence à la réunion organisée samedi par Bercy.
Veolia ne veut pas laisser plus de temps à Engie, car le groupe estime que toutes les parties ont désormais besoin de clarté, quel que soit le sens de la décision. Antoine Frérot craint aussi que la direction de Suez, farouchement opposée à un rachat par son concurrent, profite d’une éventuelle prolongation pour trouver de nouveaux moyens de défense, en plus de la pilule empoisonnée dévoilée la semaine dernière.
Relèvement du prix
Pour forcer la décision, Antoine Frérot a annoncé vendredi que son groupe allait augmenter le prix proposé à Engie, actuellement fixé à 15,5 euros par action Suez. «Le prix de l’offre sera amélioré, mais je ne dis pas combien», a assuré Antoine Frérot. Le chiffre de 17 euros circule depuis quelques jours, sachant que le plus haut historique de l’action Suez est de 18,95 euros, touché au printemps 2008, quelques semaines après l’introduction en Bourse du groupe de gestion de l’eau et des déchets. Cela coûterait quasiment 10% de plus à Veolia, soit près de 1 milliard d’euros pour 100% du capital de Suez, valorisé environ 10 milliards d’euros au prix initial.
Selon Antoine Frérot, «Veolia a les moyens financiers de remonter son offre en respectant sa discipline financière». L’augmentation de capital envisagée «serait d’un montant limité » et la « dette financière sur Ebitda resterait inférieure à 3 fois dès la deuxième année après l’OPA», a précisé le PDG de Veolia.
Mais le prix ne fait pas tout. Antoine Frérot a promis des améliorations sur l’ensemble des points de précision demandés par Engie. «Les engagements sociaux sont formalisés dans courrier qui sera transmis au conseil d’administration d’Engie», a indiqué le PDG de Veolia. Meridiam, appelé à acheter Suez eau France, pour permettre à Veolia d’obtenir le feu vert de l’Autorité de la concurrence, et mais aussi pour alléger la facture, a promis les mêmes engagements de son côté.
Concernant la gouvernance, Antoine Frérot se dit ouvert. Sur les douze membres du comité exécutif (Comex) du nouveau groupe, 4 à 5 personnes pourraient venir de Suez. «Ce serait la même chose dans les rangs de direction par pays», a ajouté Antoine Frérot. «Suez compte dans ses rangs plusieurs profils compatibles avec les besoins de Veolia, dont la pyramide des âges est plus vieille que celle de son concurrent », analyse une source industrielle, qui connaît bien les deux groupes. Certains dirigeants de Suez eau France pourraient également être tentés par le rachat de Meridiam et un intéressement au capital.
Antoine Frérot en Pinocchio, selon les salariés de Suez
Même le conseil d’administration de Veolia est prêt à faire une place à Suez. «Le conseil d’administration de Veolia accepte l’idée de mixer le conseil. Il accueillerait un administrateur salarié venant de Suez», a indiqué Antoine Frérot. En revanche, compte tenu des échanges belliqueux entretenus ces derniers jours entre les deux directions, et de l’énergie déployée pour échapper à Veolia, Bertrand Camus, le directeur général de Suez, serait condamné au départ si la fusion aboutit. Selon deux sources, Philippe Varin aurait évoqué avec Bercy l’hypothèse de prendre la présidence non exécutive du groupe fusionné, si l’opération devait se faire. Ce que dément formellement un proche de Suez.
La base de Suez affiche pour sa part sa ferme opposition à l’assaut de Veolia. Les salariés du groupe se sont payés une page de publicité dans les journaux ce week-end pour appuyer leur pétition contre le projet, illustrée par un Pinocchio au grand nez. Pour renforcer la mobilisation et la défense de sa division eau France, Suez envisage d’ouvrir son capital à ses salariés. Un mécanisme est en cours de réflexion.
«Amicalité»
Dans ce contexte, l’«amicalité» recherchée par le ministre de l’Economie, selon son propre terme, parait difficilement envisageable. «L’amicalité ne sera possible qu’une fois le bloc du capital acheté à Engie», estime d’ailleurs un proche de Veolia.
Une fois ce bloc acheté, Veolia ne sera toutefois pas nécessairement au bout de sa peine. La pilule empoisonnée «handicape» le projet du groupe, a reconnu Antoine Frérot. L’antidote, s’il existe, pourrait prendre plusieurs mois avant d’être mis en oeuvre. Veolia se trouverait ainsi à la tête de 29,9% du capital, sans possibilité de lancer son OPA pour des raisons de respect de la concurrence, coincé sans réel levier sur le groupe.
Dans cette hypothèse, Antoine Frérot s’est engagé à ne pas siéger au conseil d’administration de Suez et à n’utiliser les droits de vote que pour protéger les intérêts patrimoniaux de Veolia. Les deux groupes se regarderaient en chiens de faïence, avec une amicalité toute relative.
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