Un régime de volatilité financière plus élevée ?

Effets sur le commerce international, influence sur les marchés : les investisseurs auscultent les conséquences d’une potentielle victoire de Donald Trump lors du scrutin du premier mardi de novembre aux Etats-Unis, décrypte Vincent Chaigneau, directeur de la recherche de Generali Investments.
Generali Investments
Vincent Chaigneau
Vincent Chaigneau, directeur de la recherche de Generali Investments  -  RVTHOUROUDE

Encore une dizaine de jours, et nous devrions connaître le résultat des élections américaines – à moins que des scores ultra-serrés ne retardent le verdict. Les marchés, ces dernières semaines, semblent pencher pour une victoire de Trump.

La jauge la plus immédiate est la performance relative des paniers d’actions censés bénéficier d’une victoire de Harris ou de Trump. Tout au long de l’été, les paniers ‘Harris’ avaient fortement surperformé les paniers ‘Trump’. Mais depuis fin septembre, on observe un renversement violent. Autre signe, le dollar américain s’est nettement repris depuis fin septembre, l’euro chutant de 1,12 à 1,08. La hausse des taxes à l’importation (tariffs), susceptible de créer un choc stagflationniste et de confiance, pourrait initialement bénéficier au dollar. Enfin, le rebond des rendements des Treasuries, de 3,60% à 4,20% pour le 10 ans, a également coïncidé avec le retournement des sondages. Une victoire de Trump, surtout en cas de gain des deux chambres (sweep), est considérée comme moins favorable pour les Treasuries, du fait de l’impact inflationniste des tariffs et d’un durcissement de la politique migratoire, et d’une politique budgétaire plus expansionniste.

Ces mouvements ont coïncidé avec une hausse continue de la probabilité d’une victoire de Trump, selon les sites de paris. Il faut prendre ces estimations avec des pincettes, car quelques tickets relativement élevés ont pu faire bouger les prix de façon disproportionnée. Selon Polymarket, une victoire de Trump est estimée à 59%, contre 41% pour Harris, soit un différentiel de +18 points. Au plus bas, le 18 septembre, le différentiel se situait à -7 (en faveur de Harris). Les sondages ont également évolué, mais plus modérément.

Selon la moyenne de RealClearPolitics, au niveau national, Harris conserve un avantage infime (+0,2 point) ; on sait que le système des grands électeurs est tel qu’il lui faut probablement une avance d’au moins 2 points pour espérer l’emporter. Avantage Trump, donc, même s’il faut faire preuve de la plus grande prudence sur ces prédictions.

Enjeux pour le commerce et la croissance

Une victoire de Harris, surtout dans le cas d’un pouvoir partagé (les démocrates vont probablement perdre le Sénat) marquerait une certaine continuité, par rapport aux années Biden. Une victoire de Trump serait plus disruptive, surtout sur le plan du commerce international. C’est un risque pour la Chine, déjà embourbée dans une crise immobilière qui a plombé sa croissance ; les annonces récentes de relance, qui devraient être détaillées voire amplifiées cet automne, réduisent cependant le risque d’un ralentissement sous les 4,5%. L’Europe ne serait pas épargnée. Trump aura noté que l’excédent commercial bilatéral sur 12 mois de l’Union Européenne avec les Etats-Unis a augmenté de 60% depuis huit ans.

Des sanctions seraient problématiques, quand déjà l’économie européenne donne des signes de fatigue depuis l’été. La croissance de la zone euro ne devrait guère dépasser les 0,6% cette année, soit 2 points de moins environ que l’économie américaine. L’écart s’agrandit… sur les 25 dernières années, le PIB réel américain a progressé de 105%, celui de la zone euro de 53%. Le rapport Draghi propose de nombreuses pistes pour sortir de l’ornière, mais de propositions à décisions le chemin est semé d’embûches politiques.

Pas de traditionnel recul boursier pré-électoral

Une victoire de Trump ne serait donc pas à même de corriger l’écart abyssal de valorisation entre les actions américaines et européennes, au contraire. Historiquement, l’environnement post-électoral est très favorable aux actions, quel que soit le résultat, quoique cette fois le traditionnel recul pré-électoral n’a pas eu lieu. Notons que le S&P500 traite à 22 fois les profits des douze prochains mois, le multiple le haut jamais observé depuis la bulle dot.com du début du siècle. La forte hausse des profits – qui représentent désormais 12% du PIB américain, contre seulement 8% au premier semestre 2020 (Covid) – peut justifier cette valorisation. L’accélération de la productivité (AI), l’expansion budgétaire et une éventuelle nouvelle baisse de l’impôt sur les sociétés pourraient soutenir la tendance.

Cependant, de tels niveaux de valorisation sont historiquement associés à des niveaux de performance de l’indice très modestes sur les 5-10 années qui suivent : de l’ordre de 5%, soit beaucoup moins que la moyenne des 14% par an enregistrés sur les cinq dernières années. Cette tendance plus hésitante pourrait également engendrer un régime de volatilité plus élevée, d’autant plus que la concentration extrême du S&P rendra l’indice plus sensible à la volatilité des grosses cotes. Les dix plus grosses valeurs représentent 37% de l’indice, un nouveau record !

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Quid des obligations ?

La remontée des rendements américains nous semble une opportunité d’achat. Cependant, une victoire complète des Républicains pourrait entretenir la hausse récente, jusqu’à la zone des 4,50% pour le 10 ans. La volatilité taux a récemment remonté : l’indice Move traite sur un plus haut de l’année, quoique très en deçà du pic de début 2023 (choc inflationniste).

Le cycle de baisse des taux devrait favoriser un recul, mais là encore, le régime bas d’avant Covid ne devrait pas être retrouvé de sitôt. Il est généralement admis que l’inflation, dont la normalisation continue, ne retournera pas sur les bas niveaux d’avant pandémie, du fait de raisons structurelles (tensions commerciales, chocs sur les chaînes d’approvisionnement, transition climatique etc.). C’est sans doute vrai pour les Etats-Unis, mais on peut s’interroger sur l’inflation européenne. L’impact de sanctions commerciales sur l’inflation euro dépendrait des représailles.

Une guerre commerciale Etats-Unis – Chine aggraverait le problème de surcapacité en Chine, avec le risque que le pays exporte sa déflation. La baisse de la confiance en Europe, y compris en France où un choc fiscal se prépare, pourrait constituer un choc de demande négatif. La pandémie a montré combien il était difficile de prévoir l’inflation. Celle-ci pourrait surprendre des deux côtés, et cette incertitude ne milite pas pour un retour de la volatilité taux à la basse altitude d’avant Covid.

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