Un GameStop à la française reste peu probable

Cette bataille boursière a fait plier des hedge funds. Et provoqué une onde de choc sur certaines valeurs européennes.
Franck Joselin
Gamestop, une chaîne de magasins de jeux vidéo et de matériel électronique (maison mère de Micromania)
Des particuliers américains ont fait plier les hedge funds qui spéculaient sur la chute de l’action Gamestop.  -  Bloomberg.

La situation n’était plus tenable. Mercredi, les fonds spécialisés dans les ventes à découvert Melvin Capital et Citron Research ont annoncé avoir soldé leurs positions sur GameStop. Les investisseurs particuliers, en se concertant sur le forum américain Reddit pour acheter des actions et des options à tours de bras, ont réussi à faire plier ces gestionnaires d’actifs, provoquant une multiplication par 25 du cours du titre depuis le début de l’année.

Au bord du gouffre, Melvin Capital a dû appeler aux secours les hedge fund Citadel et Point 72. Ils lui ont apporté 3 milliards de dollars pour consolider ses finances. De son côté, le gérant de Citron Research a dû communiquer sur Youtube pour rassurer ses investisseurs sur la santé de sa société. Si ces gestionnaires se sont avoués vaincus, ce n’est pas le cas de tous. Les particuliers ont profité de la hausse du titre, mais aussi BlackRock, qui, selon Business Insider, aurait gagné 1,2 milliard de dollars grâce à ses positions à l’achat sur GameStop.

Les boursicoteurs américains ont pu utiliser des dérivés

Vu de France, les gérants doutent que ce type d’événements puisse se répliquer ici dans de telles proportions. Non seulement parce que les investisseurs particuliers américains sont autrement plus nombreux que dans l’Hexagone, même si les récents chiffres de l’AMF montrent un regain d’appétit des Français pour les actions. Mais aussi parce que les boursicoteurs américains, pour certains très sophistiqués, ont utilisé des produits dérivés, qui ne sont généralement pas proposés sur les valeurs moyennes de ce côté de l’Atlantique.

Cependant, depuis plusieurs jours, des mouvements de hausse ont été observés sur certaines valeurs européennes très présentes dans les portefeuilles des vendeurs à découvert, laissant penser que des positions ont pu être coupées. C’est notamment le cas des foncières, comme Unibail-Rodamco-Westfield (URW), qui a bondi de 25% depuis mardi, ou comme le groupe allemand de médicaments Evotec, qui faisait partie des cibles européennes de Melvin, et dont le cours s’est envolé de 30% mardi.

«Nous avons observé, depuis quelques jours, que de grands gérants de hedge fund commençaient à racheter certaines valeurs qu’ils détenaient à la vente dans leurs portefeuille», explique un gérant utilisant les ventes à découvert, qui préfère rester anonyme. «Il n’est pas impossible que certains gérants de hedge funds veuillent répliquer sur d’autres valeurs, ce qu’il s’est passé sur GameStop», estime Phlippe Maupas, consultant. «Après tout, les particuliers américains ont fait le travail que pourrait effectuer un gérant alternatif sur une valeur. Puis ils ont utilisé les produits à leur disposition pour mettre leur stratégie en œuvre», continue-t-il.

Les «global macro» se retournent

Malgré cela, les professionnels préfèrent plutôt expliquer les mouvements actuels par un changement de régime de l’économie. Les gérants à la tête de grands fonds qui anticipent les tendances (les fonds global macro), s’étaient souvent positionnés à l’achat sur les technologiques et à la vente sur les valeurs fragilisées par la crise sanitaire – comme les foncières. Ils défont aujourd’hui leurs positions, anticipant une normalisation de la situation économique dans les prochains mois. Cela fait mécaniquement remonter les cours des valeurs qui avaient le plus souffert pendant la crise.

Par ailleurs, ces débouclages provoquent des réactions en chaîne, explique un gérant, car, contrairement à ce qui est arrivé aux fonds de Melvin et de Citron Research – qui ont voulu pousser au maximum leur bras de fer avec les investisseurs particuliers -, la plupart des vendeurs de valeurs à découvert disposent de mécanismes stricts pour éviter de trop grosses pertes. Ces stop-loss se déclenchent donc automatiquement lorsqu’un titre a trop progressé, provoquent des rachats, et font monter l’action de plus belle.

Même si cela reste rare, des rebonds fulgurants sont tout de même possibles sur des valeurs européennes, et ce depuis toujours. Les gérants de fonds long/short européens se souviennent d’ailleurs avec émois de l’épisode qui avait touché le titre Volkswagen qui avait bondi de 200% en 2008, en raison d’une prise à revers des positions à découvert. Aujourd’hui, ceux qui sont vendeurs sur le titre Solutions 30, par exemple, se réjouissent des gains qu’ils ont faits grâce à l’attaque en règle du fonds Muddy Waters, mais retiennent toujours leur souffle. Ils restent à la merci, s’ils n’ont pas vendu, d’un rallye de la valeur. D’autant que, selon des rumeurs de marché, certains fonds de private equity seraient en lice pour investir dans l’entreprise.

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