
Un cadeau empoisonné pour l’Europe

C’est le propre des crises que d’apparaître là où on ne les attend pas. Il y a un an, dans ces mêmes colonnes, alors que les nouvelles d’un mystérieux virus commençaient tout juste à filtrer de Wuhan, trois aléas géopolitiques étaient présentés comme facteurs de risque pour les investisseurs : des élections américaines clivantes, un Brexit dur, et la somnolence des institutions européennes. Toujours au second plan de la crise sanitaire, les deux premiers n’auront fait passer qu’un léger frisson sur les marchés. Mieux, l’Europe, poussée dans ses retranchements, a fait mentir les sceptiques en concrétisant une avancée historique dans son intégration financière. Et pour finir en beauté, Berlin a aussi mis à profit sa présidence tournante de l’Union européenne au second semestre en précipitant la conclusion d’un accord d’investissement avec la Chine dans les derniers jours de décembre. La surprise de Noël, mais un cadeau empoisonné pour le Vieux Continent.
Sur le papier, l’Europe a évidemment tout intérêt à rééquilibrer ses relations avec Pékin dans un sens moins défavorable. Qui pourrait lui reprocher de négocier pour ses entreprises les mêmes ouvertures que celles accordées aux Etats-Unis dans l’accord sino-américain de « phase 1 » ? Qui pourrait même lui faire grief de jouer sa partition en solo et d’accueillir avec les précautions d’usage l’atlantisme autoproclamé de la future administration Biden, dont on sait qu’elle fera sienne le slogan America First ? Et pourtant, dans cet accord trouvé à la hâte et présenté comme une grande victoire, comment ne pas voir un nouveau signe de la naïveté européenne ?
C’est bien Pékin qui souhaitait conclure les négociations avant le changement de locataire à la Maison-Blanche, pour enfoncer un coin entre Washington et Bruxelles. C’est encore Pékin qui a démontré en 2020, avec une diplomatie toujours plus agressive, la valeur toute relative de sa propre signature. A Hong Kong, la nouvelle loi de sécurité fait fi du traité sino-britannique qui s’appliquait à l’ancienne colonie. Quant à l’Australie, coupable d’avoir critiqué la gestion de la crise sanitaire en Chine, la voilà frappée de droits de douane au mépris du traité de libre-échange qui unit les deux pays. C’est avec Pékin, toujours, que les frictions ne manqueront pas de ressurgir lorsqu’il apparaîtra que le patient zéro du coronavirus, aujourd’hui tiré d’affaire, est l’unique vainqueur de la pandémie.
Face à cela, les concessions arrachées par l’Europe semblent bien fragiles. Du droit du travail au respect de la propriété intellectuelle en passant par la résolution des conflits, l’accord de protection des investissements, qui n’est pas un traité commercial, ne vaut que par les vagues promesses du président chinois Xi Jinping. Il n’engagera donc que ceux qui y croient.
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