Qui se souvient du « taper tantrum » ?

Alexandre Garabedian
Alexandre Garabedian

L’erreur de politique monétaire hante les banques centrales. Remonter les taux trop tôt ou trop tard, chasser le fantôme de l’inflation alors qu’une crise financière bien réelle frappe à la porte… Une décision erronée met toujours les marchés obligataires à la merci d’un krach. En annonçant la réduction de son programme de rachats d’actifs, le tapering, la Réserve fédérale américaine savait qu’elle avançait sur un fil. Elle s’est remarquablement tirée du piège, évitant de rééditer un taper tantrum comme il y a huit ans.

En employant pour la première fois le terme de tapering au printemps 2013, Ben Bernanke, alors président de la Fed, avait provoqué une correction brutale sur les marchés obligataires. En quelques semaines, les taux d’intérêt nominaux et les taux réels – corrigés de l’inflation – s’étaient tendus de plus de 100 points de base et le cours du billet vert était remonté en flèche. Avant que la banque centrale ne puisse effectivement engager la diminution de son bilan, en décembre de cette même année, l’économie américaine avait subi le resserrement des conditions financières. Le choc s’était révélé encore plus dur pour la sphère des pays émergents, si sensibles aux conditions de financement en dollars.

Rien de tout cela cette année. Jerome Powell, le président de Réserve fédérale, a préparé les esprits bien à l’avance, a dit ce qu’il allait faire et fait ce qu’il avait dit. Les taux réels, l’indicateur à surveiller, n’ont quasiment pas varié et restent profondément ancrés en territoire négatif. Une situation qui convient très bien aux Etats lourdement endettés. La répression financière à l’œuvre depuis des années sur le marché obligataire pousse naturellement les actions et les actifs non cotés vers de nouveaux records. Même les marchés émergents ont relativement bien résisté aux annonces de la Fed, les équilibres budgétaires de ces pays les rendant aujourd’hui moins exposés à l’évolution du dollar qu’à celle de l’économie chinoise.

Le taper tantrum est donc provisoirement porté disparu, du moins aux Etats-Unis. On ne saurait l’assurer de ce côté-ci de l’Atlantique, où la communication des banques centrales apparaît plus aléatoire. La Banque d’Angleterre a réussi bien malgré elle à convaincre les investisseurs qu’elle augmenterait ses taux début novembre, avant de reculer in extremis. Les conférences de la Banque centrale européenne ont trop souvent pour effet d’aggraver les malentendus avec les marchés au lieu de les réduire. Il a fallu une mise au point ferme et définitive d’Isabel Schnabel, membre du directoire, une semaine après la dernière réunion de politique monétaire, pour comprendre que les conditions d’une hausse de taux ne seraient pas réunies l’an prochain. Pour la zone euro ou le Royaume-Uni, le taper tantrum n’est pas qu’un lointain souvenir, mais la menace toujours vivante d’une déconnexion entre conditions financières et santé de l’économie.

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