
Pascal Saint-Amans : «L’OCDE est prête à proposer un paquet de mesures sur la fiscalité»

L’Agefi : La France ne cesse de répéter que les Etats-Unis bloquent le projet de taxe numérique internationale : où en sont les négociations lancées dans le cadre du projet BEPS (sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices) depuis octobre 2019 ?
Pascal Saint-Amans : A la veille de la réunion des ministres des finances du G20, le 14 octobre, l’OCDE est prête à proposer un paquet de mesures comprenant deux piliers : le pilier 1, qui consiste à donner des droits de taxer à l’impôt sur les sociétés aux pays même lorsque les entreprises n’ont pas de présence physique, et le pilier 2, qui consiste en la mise en place d’un niveau de taxation minimum pour les entreprises. La France se montre très constructive dans cette difficile négociation, et il est vrai que les Etats-Unis, du fait de la proximité de l’élection présidentielle américaine, ne semblent pas prêts à conclure un accord pour le moment.
La crise actuelle a dû ralentir vos travaux : y a-t-il un moyen d’avancer plus vite sur le pilier 2, qui pourra être appliqué de façon unilatérale par les pays, plutôt que sur le pilier 1 qui nécessitera de réécrire certaines conventions fiscales ?
Nous avons travaillé à un «paquet» techniquement très avancé malgré le Covid-19, qui a clairement ralenti les travaux et rapproché sa conclusion de l’élection américaine. Pour autant, les travaux techniques ont cheminé, et deux «blueprints» détaillés seront présentés aux ministres des finances du G20. Mais malgré tout, plusieurs paramètres de nature politique restent en suspens. Ces éléments sont interdépendants dans la négociation, et tant que les Etats-Unis n’envoient pas de signaux sur ce que sera leur position in fine, il est difficile de trancher. Ils ont fait savoir en juin qu’un accord sur le pilier 1 ne pourrait pas intervenir avant l’élection. En revanche, ils soutiennent le pilier 2 - ils ont eux-mêmes déjà introduit une imposition minimum. Les questions en suspens sur le pilier 2 sont d’ailleurs limitées, et ne devraient pas être trop difficiles à trancher. Pour de nombreux Etats néanmoins, il n’est pas question de découpler les deux piliers.
Etes-vous quand même optimiste sur un accord dès cette année ?
Les négociations n’ont pas eu de vraie dynamique, elles ont été rendues très difficiles sans rencontre physique, juste en téléconférence, à cause du Covid… Il est très compliqué de dire déjà quelle est la position de certains sur différents paramètres, et donc si les Etats pourront se rapprocher sur ces différents paramètres. Néanmoins, grâce à nos travaux techniques (plus de 600 pages de documents quasi prêts à l’emploi), nous avons de très solides bases de négociation sur le pilier 1 comme sur le pilier 2. Le G20 d’octobre devrait être l’occasion de réaffirmer que, malgré la collision avec leur calendrier électoral, les Etats-Unis sont encore bien présents à la table des négociations, et que la dynamique des discussions pourra reprendre après l’élection.
Quel est votre regard sur les réflexions en Europe ?
Il n’est pas étonnant que l’Union européenne (UE) fasse des propositions pour harmoniser sa fiscalité et trouver de nouvelles ressources propres, d’autant plus si elle a l’impression que les négociations à l’international piétinent. Il n’en demeure pas moins qu’elle reste globalement favorable à une solution multilatérale : en l’absence d’un accord multilatéral, il est compréhensible que l’Europe agisse de son côté. Mais l’un n’empêche pas l’autre !
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