
L'écart de taux s’accroît entre la France et l’Allemagne

Pour le deuxième jour d’affilée, l'écart de rendement entre la dette française et allemande s’est écarté sur les marchés obligataires, en réaction à l’annonce d'élections législatives anticipées en France et à la résurgence du risque politique dans le pays. Les taux terminent néanmoins la séance inchangés, malgré cette volatilité.
Le rendement de l’OAT, l’emprunt d’Etat français, à 10 ans se tendait de 7 points de base (pb) à 3,29% en fin de matinée mardi. Le taux français est même monté brièvement à 3,32% alors qu’Europe 1 évoquait l’hypothèse d’une démission du président Emmanuel Macron en cas de défaite aux législatives. Ce qui a ensuite été démenti, permettant un reflux dans l’après-midi jusqu'à 3,23%.
Le spread avec l’Allemagne s’est néanmoins de nouveau écarté à 63 pb alors que le rendement du Bund a fini en recul de 5 pb. L'écart de rendement évoluait à 47 pb avant les résultats du scrutin européen et l’annonce de la dissolution. Il atteint ainsi son plus haut niveau de l’année et retrouve les sommets de l’automne 2023. En 2017, lors de la campagne présidentielle, la crainte d’un deuxième tour Mélenchon-Le Pen avait porté l'écart de taux à 80 pb.
Les rendements des pays du Sud de l’Europe - Italie, Espagne, Portugal - ont aussi terminé stables après néanmoins s'être tendus dans la journée, avec un écartement également du spread par rapport au Bund.
Situation budgétaire difficile
Les marchés obligataires réévaluent le risque politique français alors même que l’agence de notation Moody’s a averti que les élections législatives anticipées en France sont négatives pour la note de crédit du pays.
«Ces élections anticipées augmentent les risques pour l’assainissement budgétaire», a déclaré Moody’s dans un communiqué lundi en fin de journée, qualifiant cette situation de «crédit négatif» pour la note Aa2 du pays, qui se situe un cran au-dessus de la note équivalente de Fitch et de S&P Global.
«L’instabilité politique potentielle est un risque de crédit étant donné la situation budgétaire difficile dont héritera le prochain gouvernement», a ajouté l’agence, précisant que la perspective actuellement «stable» de la note de la France pourrait être abaissée à «négative» si les données de la dette se détérioraient davantage.
«Un affaiblissement de l’engagement en faveur de l’assainissement budgétaire augmenterait également les pressions à la baisse sur le crédit», a déclaré Moody’s.
Le président de la République Emmanuel Macron a convoqué des élections législatives surprise lundi, après avoir subi une défaite cuisante lors du vote du week-end au Parlement européen face au parti d’extrême droite de Marine Le Pen. La décision inattendue du chef de l’Etat français, qui équivaut à un coup de poker, pourrait amener l’extrême droite au pouvoir, ou aboutir à une Assemblée nationale encore plus fragmentée et sans majorité claire.
Le premier tour aura lieu le 30 juin, moins d’un mois avant le début des Jeux olympiques à Paris, et le second tour le 7 juillet.
A lire aussi: Les marchés réévaluent le risque politique français
Récente dégradation par S&P
Moody’s a souligné que la charge de la dette française, qui dépasse déjà 110% du PIB, est plus élevée que celle d’autres pays bénéficiant d’une notation similaire et qu’elle a augmenté de manière quasi continue depuis les années 1970 en raison de déficits budgétaires structurels importants et constants.
S&P Global avait de son côté dégradé la note de la France au début du mois en raison des mêmes préoccupations, et Moody’s a indiqué ce qui le pousserait à faire de même : «Les perspectives, et en fin de compte les notes, pourraient devenir négatives si nous devions conclure que la détérioration de l’accessibilité de la dette - que nous mesurons comme les paiements d’intérêts par rapport aux revenus et au PIB - sera significativement plus importante en France que chez ses pairs», a déclaré l’agence.
«L’écart de taux entre l’OAT 10 ans et le Bund n’invite pas les investisseurs à prendre du risque sur la dette française», a affirmé Laurent Clavel, responsable multi-asset chez Axa IM, lors d’une conférence de presse deux jours après l’annonce de la dissolution et alors que le spread de la France continuait de s’écarter mardi. Dans son allocation d’actifs, le gérant a certes augmenté la duration notamment les obligations euro «core», au travers de futures sur Bund, mais il ne prend pas de pari, pour le moment, sur les emprunts d’Etat français dans les portefeuilles multi-actifs. Il estime que le spread peut continuer de s’écarter et revoir les niveaux atteints en 2017.
Mais une fois l’élection passée, une stabilisation n’est pas exclue. «Aujourd’hui c’est compliqué de dire que le spread va rester contenu mais une fois que le scrutin sera passé et que la situation sera clarifiée notamment sur les intentions de politique économique du parti qui remportera l’élection, c’est possible», poursuit-il. Une évolution qui serait identique en cas d’assemblée éclatée. «Le Moyen-Orient est la zone la plus critique pour les marchés en termes de risque géopolitique, mais pour le moment c’est en dehors du marché et pèse donc peu sur le sentiment», illustre-t-il. Une façon de dire que le spread de la France devrait rester élevé mais aussi se stabiliser une fois que le risque politique français sera sorti du spectre des investisseurs.
(Avec Reuters)
Plus d'articles du même thème
-
Le risque de surenchère tarifaire tétanise les marchés
La riposte de la Chine aux tarifs douaniers réciproques de Donald Trump a exacerbé le risque d'escalade et de récession, plongeant les marchés financiers encore davantage dans la tourmente. Wall Street accuse sa pire chute depuis la crise Covid. L'Europe efface ses gains de 2025. Les investisseurs fuient vers les emprunts d'Etat. -
Les gérants de crédit continuent de s’ajuster à la nouvelle donne
Les panélistes de L’Agefi sont de plus en plus prudents face au risque d’écartement des spreads, toujours serrés, en cas de fort ralentissement de la croissance suite au choc des tarifs douaniers. -
EXCLUSIF
Les gestionnaires de taux contiennent leur panique
Les prévisionnistes de L’Agefi tendent à ajouter une baisse de taux à six mois tout en diminuant leurs prévisions pour les taux longs aux Etats-Unis et en augmentant celles sur la zone euro.
ETF à la Une
- La Banque Postale débarque le patron de sa banque privée
- A la Société Générale, Slawomir Krupa se prépare à la taylorisation des banques
- La Société Générale prend le risque d'une grève en France fin mars
- Une nouvelle restructuration à la Société Générale ne plairait pas aux investisseurs
- Le CCF a perdu une centaine de millions d’euros l’an dernier
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions