
Londres ouvre le débat fiscal

Rishi Sunak aime la lumière et cette semaine l’a bien servi. Non content de se mettre en scène dans une vidéo de six minutes publiée sur Twitter et retraçant son action contre le Covid, le chancelier de l’Echiquier britannique a présenté le 3 mars un budget appelé à faire date dans l’histoire récente du Royaume-Uni, puisqu’il envisage d’alourdir la fiscalité des entreprises à compter de 2023.
Londres devient de la sorte le premier pensionnaire du G7 à amorcer un timide virage vers l’assainissement de ses finances publiques. De rigueur, il n’est pas encore question car le budget prévoit son lot d’aides aux secteurs les plus sinistrés de l’économie. Le changement de ton n’en est pas moins marquant. Ailleurs, la question fiscale alimente tout juste les promesses programmatiques. Le président américain Joe Biden a bien dit son souhait de relever le taux d’impôt sur les sociétés pour défaire l’œuvre de son prédécesseur, mais sa priorité du moment reste le vote d’un plan de relance massif. En France, où toute réponse à un problème passe par une taxe, le gouvernement résiste pour l’instant au réflexe pavlovien. La fiscalisation accrue des « gagnants de la pandémie » rythmera les débats de la campagne présidentielle de 2022 – avec l’annulation de la dette, le moyen le plus sûr d’éponger l’excès d’épargne en ruinant l’épargnant.
Le Royaume-Uni fait donc cavalier seul et a quelques raisons de vouloir restaurer sa crédibilité budgétaire. Le régime de taux d’intérêt et d’inflation y reste supérieur à celui de la zone euro, ses comptes courants déficitaires laissent le pays à la merci des financements étrangers, et la livre ne lui permet pas les largesses que le dollar confère aux Etats-Unis. Au moment où les rendements des emprunts d’Etat remontent, outre-Manche plus qu’ailleurs, ce premier coup de barre est de bonne politique.
Le choix de l’impôt sur les sociétés s’avère lourd de symboles aussi. George Osborne, le prédécesseur de Rishi Sunak, avait fait de sa baisse le marqueur de la compétitivité britannique, le ramenant de 28 % à 19 % avec un objectif à 15 %. Ces temps sont révolus : le Covid est passé par là, la crispation des opinions publiques face aux stratégies d’optimisation fiscale aussi.
En partant d’un niveau d’imposition plus bas que celui des grandes économies développées, le Royaume-Uni peut se permettre un tour de vis sans décourager dans l’immédiat entrepreneurs et investisseurs. Mais il lui faudra fonder son attractivité post-Brexit sur une autre stratégie que celle du moins-disant fiscal. Pour les activités de services, laissées-pour-compte de l’accord commercial avec Bruxelles, c’est un nouvel encouragement à s’affranchir du corset des réglementations européennes.
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