L’Italie ouvre une semaine politique mouvementée

La crise naissante pourrait créer un choc sur les rendements italiens en cas de dissolution du Parlement.
Fabrice Anselmi
Le président du Conseil italien Mario Draghi
Mario Draghi, le président du Conseil italien, a vu sa démission refusée par le président de la République Sergio Mattarella.  -  Crédit European Union.

Une partie de poker menteur a commencé en Italie. Les deux principaux protagonistes en sont Giuseppe Conte, leader du Mouvement 5 Etoiles (M5S), qui avait soutenu le «gouvernement d’unité nationale» en février 2021 mais s’y oppose depuis quelques mois, et le président du Conseil Mario Draghi. L’ex-président de la Banque centrale européenne a donné sa démission jeudi soir, refusée par le président de la République Sergio Mattarella.

Suivant leur leader qui réclamait des mesures sociales en faveur des plus démunis, dont l’instauration d’un Smic, et le rejet d’un coûteux et polluant projet d’incinérateur de déchets à Rome, les sénateurs M5S ont décidé de ne pas voter le plan d’aide de 23 milliards d’euros en faveur des ménages et des entreprises. Ce plan était attaché à un vote de confiance au gouvernement, tout de même remporté à 172 voix contre 39 à la Chambre haute.

Cinq jours pour sauver l’Italie ?

Le chef du gouvernement avait prévenu des conséquences de cette rupture avec le M5S, mais Giuseppe Conte n’en a pas tenu compte. Mario Draghi s’adressera aux parlementaires le 20 juillet pour retrouver une confiance plus solide lui permettant de poursuivre jusqu’aux législatives de mai 2023. Un horizon nécessaire pour gérer la crise énergétique et mener à bien le plan d’investissement NextGeneration EU (NGEU) de 200 milliards d’euros.

S’il estime que cela ne peut pas fonctionner, des élections anticipées seront convoquées cet automne, au moment de décider du budget et des réformes pour toucher les fonds NGEU, sans doute au détriment de l’intérêt du pays. «Les deux scénarios (maintien/dissolution) sont possibles à 50%-40%, avec 10% de probabilité d’un autre gouvernement technocratique», estime Macro Protopapa, économiste senior chez JPMorgan, rappelant le nécessaire soutien de la Ligue du nord, la Lega, pour rester au pouvoir malgré la fronde du M5S.

Le Mouvement 5 Etoiles a encore la balle dans son camp malgré «la déclaration particulièrement tranchante et sans compromis de Mario Draghi, juge plutôt l’économiste Lorenzo Codogno (LC-Macro Advisors). Il a fait un premier pas et le M5S peut encore renouer avec le gouvernement en échange d’une petite victoire sur certains dossiers comme l’incinérateur à Rome (…). Le vote portait sur une loi précise et non sur le programme global. D’ailleurs, de nombreux dirigeants du M5S ont fait de surprenantes déclarations expliquant que l’intention n’était pas de démissionner du gouvernement, mais d’influencer ses choix», ajoute-t-il. L'économiste garde l’espoir d’une bonne surprise (15% de chances) ou d’un autre gouvernement Draghi sans le M5S (35%), tout en augmentant la probabilité d’élections anticipées pour des questions de calendrier. Bref, toujours une grande incertitude.

Intenable

«A court terme, on peut parler d’un coup de poker de Mario Draghi pour défendre ce gouvernement ‘technique’ et non ‘politique’, rappelle Stéphane Deo, directeur stratégies de marchés chez Ostrum AM. Mais, même si ça marche, la situation n’est pas tenable pour les partis comme M5S : s’ils ne veulent pas de dissolution, ils ne peuvent rester au gouvernement jusqu’au bout sans condamner leur avenir politique.»

Des élections semblent aussi sans espoir pour le M5S, passé de 34 % des voix exprimées en 2018 à 11 % des intentions de vote désormais. A 23% des intentions, le parti d’extrême-droite Fratelli d’Italia - le seul hors du gouvernement actuel - pourrait, comme déjà le craignaient les analystes au moment de l'élection présidentielle cet hiver, mener une coalition anti-européenne, avec la Lega - passée de 17% à 14% dans les sondages - et peut-être Forza Italia (9%). «Une situation de chaos que les marchés n’intègrent pas encore au-delà du court terme», s’étonnait vendredi Stéphane Deo, en voyant le rendement à 10 ans italien diminuer de 3,41% à 3,36%.

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