
L’euro digital, un enjeu de souveraineté

Le lancement d’un euro numérique n’est sans doute plus qu’une question de temps. La Banque centrale européenne s’est résolument jetée ces derniers jours dans la bataille, en ouvrant une large consultation dont elle tirera les conséquences au milieu de l’année prochaine (lire page 18). Celles-ci ont toutes les chances d'être positives. Le débat sur les monnaies digitales de banques centrales peut aisément effrayer par sa technicité, mais vaut en définitive pour sa dimension politique et stratégique. Or, à cette aune-là, aucune institution monétaire qui se respecte ne peut se permettre de regarder passer le train de l’innovation et se laisser dicter ses choix par des acteurs extérieurs, publics ou privés.
La BCE n’est pas la première à lorgner les avantages d’une monnaie digitale, qu’il faut distinguer d’un crypto-actif comme le bitcoin. Transactions instantanées et à coût quasi nul, meilleure transmission des politiques de taux négatifs, voire de « monnaie hélicoptère », lutte contre l’évasion fiscale et l’argent sale… le champ des promesses est vaste. Celui des menaces aussi, à commencer par celle qui pèse sur les banques commerciales, dont la fonction de collecte des dépôts devra être préservée d’une manière ou d’une autre. Ces questions appellent des réponses subtiles, auxquelles les banquiers centraux réfléchissent déjà. En zone euro, ce serait aussi l’occasion de remodeler le marché des paiements, aujourd’hui largement livré à des acteurs américains traditionnels tels que Visa et MasterCard et aux représentants de la big tech. L’initiative de grandes banques privées visant à bâtir une solution purement européenne devra jouer la complémentarité avec un projet public d’euro numérique.
La direction, dans tous les cas, est claire. Tant les acteurs de l’écosystème financier que les particuliers sont demandeurs de solutions de paiement simples, sécurisées et numériques, notamment pour les transactions transfrontalières. Et si les banques centrales prônent officiellement la collaboration en se défendant de participer à une course de vitesse, toutes reconnaissent mezzo voce l’existence d’une prime au premier entrant. Le projet Libra de Facebook, trop sulfureux et privé pour ne pas être immédiatement perçu comme hostile, a servi de coup de semonce salutaire, mais la concurrence d’institutions publiques, Banque populaire de Chine en tête, est tout autant à craindre. Parce que la souveraineté monétaire consiste en définitive à ce que la population d’une juridiction donnée utilise sa monnaie et pas celle du voisin, l’immobilisme n’est plus une option. La promotion de l’euro et de son rôle international ne pourra faire l’économie d’une monnaie digitale de banque centrale.
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