
Les marchés font fi de l’absence de président pour les Etats-Unis

L’élection américaine tient ses promesses. Jusqu’au bout, elle va tenir en haleine les investisseurs. Malgré l’incertitude entourant le résultat final, un scénario redouté par les investisseurs, les marchés actions ont enregistré hier une troisième séance de forte hausse et l’une de leur meilleure séance ces derniers mois.
Au lendemain de l’élection, malgré la victoire auto-proclamée de Donald Trump et les annonces d’une victoire proche par l’entourage de Joe Biden, il n’y avait toujours pas de vainqueur dans la course à la Maison-Blanche. Les résultats de plusieurs Etats clés, dont le Wisconsin, le Michigan et la Pennsylvanie, étaient encore attendus pour faire basculer la balance dans un camp ou dans l’autre. Aux derniers comptages, Joe Biden semblait avoir une longueur d’avance mais Donald Trump multiplie les recours (lire par ailleurs).
Marché défensif
Cette incertitude n’a pas empêché les places boursières européennes de s’envoler dans le sillage de Wall Street. A Paris le CAC 40 termine en hausse de 2,4% tandis que le Dax 30 gagne 1,95% à Francfort. L’indice Euro Stoxx 50 prend 2%. A New York, l’indice S&P 500 s’adjuge 2,2% et le Nasdaq s’envole de 3,9%. «Les investisseurs s’attendaient depuis des semaines à ce que l’élection américaine génère de la volatilité, comme le montrait le niveau plus élevé des contrats futures sur le VIX sur l’échéance de novembre. Le marché étant très défensif, il n’est pas étonnant que l’incertitude autour du vainqueur ne provoque pas une correction», souligne Olivier Raingeard, responsable de la gestion chez Banque Neuflize OBC.
La réaction des marchés hier s’explique aussi par la mise à l’écart, par les investisseurs, du scénario qui avait fait monter les taux américains et les valeurs cycliques et value ces dernières semaines : celui d’une vague bleue démocrate. Même si une telle issue, qui aurait donné à Joe Biden la majorité au Congrès, ne peut être totalement écartée, elle est moins probable. Pour les opérateurs cela signifie moins de latitude pour le candidat démocrate en cas d’élection pour augmenter les impôts des sociétés et réguler davantage les Gafa (lire par ailleurs). Cela explique le rebond du Nasdaq, de même que l’hypothèse d’une victoire de l’actuel locataire de la Maison-Blanche. «Le Nasdaq 100, à forte composante technologique, rebondit dans l’espoir d’une régulation plus souple sous une administration Trump», juge Mark Haefele, responsable de la gestion chez UBS WM.
Une relance massive s'éloigne
Mais c’est sur les marchés de taux que la bascule est la plus visible. Un Congrès divisé (la Chambre des représentants aux démocrates et le Sénat aux républicains) signifie qu’un nouveau plan de relance ne sera pas aussi massif qu’escompté par les démocrates (2.000 milliards de dollars). «Cela explique le net mouvement sur le taux 10 ans américain en baisse de 10 points de base, à 0,8%», observe Olivier Raingeard. Avant le scrutin, il avait fortement augmenté dans l’anticipation du vote d’un tel plan. Cette baisse des taux favorise en outre les valeurs de croissance et marque un coup d’arrêt au début de rotation des valeurs cycliques et value, renvoyé à plus tard.
Les marchés sont désormais face à deux scénarios potentiels. Celui où le nom du nouveau président des Etats-Unis serait rapidement connu, et ce d’ici la fin de la semaine. Hypothèse à laquelle croit le marché vu son évolution et celle de la volatilité. L’indice VIX était en forte baisse hier à 29 contre 35,5 mardi. L’autre scénario est celui d’une élection contestée. Donald Trump a déjà fait savoir qu’il saisirait la Cour Suprême. Le scénario du pire pour les actions. «Le scénario idéal serait d’avoir rapidement le nom du futur président, affirme John Plassard, conseiller en investissement chez Mirabaud. Le pire serait celui d’une situation qui s’enlise comme en 2000 entre George W. Bush et Al Gore». Une situation qui entraînerait une hausse probable de la volatilité, notamment sur les actions. «La contestation du résultat pourrait provoquer une correction», estime Stéphane Monier, directeur des investissements chez Lombard Odier. A l’époque, l’indice S&P 500 avait perdu jusqu’à 8% entre le point haut au moment de l’élection et le point bas fin novembre avant que la Cour Suprême n’ordonne l’arrêt du recomptage des votes. Certaines grandes banques américaines anticipent même une baisse de 15% dans le pire des scénarios. Une baisse à laquelle ne croit pas John Plassard car les investisseurs profiteront de la moindre baisse pour acheter des actions à bon compte.
Olivier Raingeard relève néanmoins qu’une fois le résultat connu, le marché s’intéressera à nouveau à la situation sanitaire dans le monde et en particulier aux Etats-Unis où la deuxième vague commence à prendre de l’ampleur, et à l’évolution de la conjoncture. Or sans nouveau plan de soutien, l’économie américaine pourrait être durement affectée par la résurgence du Covid-19. La Réserve fédérale américaine, dont le comité de politique monétaire se réunit mercredi et jeudi, devrait maintenir son statu quo. «Jerome Powell (le président de la Fed, ndlr) va essayer d’éviter les questions politiques, affirme John Plassard. Il est peu probable que la Fed modifie quoi que ce soit aujourd’hui mais elle va rester très accommodante». Elle pourrait néanmoins agir en décembre en fonction de l’évolution sanitaire, voire avant si la situation économique ou sur les marchés l’exige, comme la banque centrale l’a fait en mars dernier. L’absence de plan de relance en pleine deuxième vague pourrait être un élément déclencheur.
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