
« Les Etats-Unis ont perdu toute crédibilité »

« Peuple, pouvoir et profits » sort ce mercredi 25 septembre en France. Quel est l’objectif de cet ouvrage ?
J’ai voulu contribuer à la plate-forme d’idées des progressistes du Parti démocrate, dans cette période de primaires. Nous avons expérimenté le capitalisme pendant quarante ans, une longue période. Nous savons désormais que c’est un échec. Il faut donc essayer autre chose. Nous savons également que l’opinion publique attend de nouvelles propositions. En outre, le mouvement opéré par les principaux CEOs cet été montre un changement sensible des positions sur la prise en compte des parties prenantes*. Il serait possible d’imaginer un agenda législatif sur le sujet, sous une administration démocrate. Cet ouvrage tente donc d’être, dans ce contexte, une alternative teintée d’optimisme aux systèmes fascistes, un terme que j’emploie dans sa pleine acception.
Considérant les pressions exercées par le président Trump, l’indépendance de la Fed est-elle menacée ?
En cherchant le compromis, la Fed entame un peu sa réputation car elle baisse les taux d’intérêt. Mais elle peut objecter, au-delà de la gestion des tweets de Trump, que dans la perspective d’un ralentissement de la croissance, une baisse des taux représente une politique appropriée et conforme à son mandat. Les pressions exercées par Trump sur la Fed démontrent son manque de respect des institutions et de son gouvernement. C’est une chose que de débattre de la meilleure politique possible ; c’en est une autre de tenter de l’imposer.
L’utilisation des réseaux sociaux pour critiquer la Fed, mais également annoncer des sanctions commerciales, questionne énormément sur les institutions américaines et l’exercice de la démocratie aux Etats-Unis...
Le Congrès – et lui seul – a le pouvoir et la responsabilité de mettre en place des taxes. Cela inclut les tarifs douaniers. Une délégation de pouvoir, fondée sur l’idée qu’il faut parfois négocier rapidement, a été octroyée au président par le passé. C’était avant Donald Trump.
Est-ce que cette délégation pourrait être supprimée ?
Les spécialistes du droit constitutionnel débattent afin de savoir si le président, par le biais de cette délégation de pouvoir, a le droit de prendre toutes ces décisions sans consulter le Congrès. Si les Démocrates devaient remporter les élections, il y a fort à parier qu’ils mettraient fin à cette délégation. Il y a un consensus sur le constat, à savoir qu’il y a eu un abus de pouvoir.
Les institutions multilatérales, surtout l’Organisation mondiale du commerce, sont fragilisées par la politique des Etats-Unis. Que se passera-t-il en 2020, si l’organe de règlement des différends ne fonctionne plus ?
C’est un désastre, qui démontre à quel point une seule personne peut fragiliser non seulement le système démocratique américain, mais aussi les règles internationales. Le reste du monde ne devrait pas permettre aux Etats-Unis de faire cela. Il existe un plan B, qui permet de désigner des juges en se passant de l’accord des Etats-Unis, dans la mesure où l’unanimité n’est pas requise dans le cadre de l’OMC.
Quels sont les ressorts du conflit entre les Etats-Unis et la Chine ?
Les Etats-Unis ont beaucoup de mal à accepter, sur le plan émotionnel, ce nouvel ordre géopolitique qui voit la Chine se positionner en première puissance mondiale. Après la chute du mur de Berlin, les pays développés ont espéré une convergence globale vers le libéralisme et l’économie de marché, pensant que la Chine deviendrait plus démocratique. Avec l’avènement du président Xi, ces espoirs se sont évanouis.
Craignez-vous un « piège de Thucydide » qui verrait cette guerre commerciale déboucher sur un conflit militaire ?
Les dangers d’un conflit économique, qui amènent la Chine à rechercher des alliés comme la Russie, ou bien à saper l’influence des Etats-Unis comme en Iran, sont à considérer avec sérieux. C’est l’une des raisons pour lesquelles la manière dont Donald Trump mène sa guerre commerciale est tout à fait inappropriée. La Chine peut ne pas être considérée comme un allié ; doit-elle pour autant être traitée comme un ennemi ?
Qu’attendez-vous du G20 Finances d’octobre prochain ?
Donald Trump a fragilisé toutes les initiatives de coopération internationale. L’objectif de chaque sommet est désormais de limiter les dégâts. Pourtant, dans de nombreux domaines, comme la lutte contre le changement climatique ou la non-prolifération des armes nucléaires, une coopération mondiale est nécessaire. Les Etats-Unis commencent à sentir les conséquences de cette politique. En Iran et en Corée du Nord, les inquiétudes sont réelles. Mais à cause de la dénonciation du traité sur le nucléaire avec l’Iran, les Etats-Unis ont perdu toute crédibilité dans la coordination d’une coopération internationale.
Où en est le rêve américain ?
C’est un mythe aujourd’hui, en termes absolus mais également relatifs. L’avenir des jeunes Américains repose sur leurs perspectives en matière d’éducation et de revenus. Or, les Américains moyens n’ont plus les moyens de payer des études supérieures à leurs enfants. La dette étudiante totalise désormais 1.500 milliards de dollars. Cela signifie qu’un nombre croissant de jeunes Américains ne peut pas acheter son logement ou fonder une famille.
Propos recueillis par Pauline Armandet et Annick Masounave
*Près de 200 directeurs généraux américains ont déclaré que les entreprises ne devraient plus défendre uniquement les intérêts des actionnaires, mais aussi investir dans leurs employés, protéger l’environnement et traiter de manière éthique leurs fournisseurs, L’Agefi Hebdo du 29 /08/2019 ; lire aussi L’Agefi Hebdo n°676, «Des émetteurs mal notés», dossier GPGE 2019.
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