
Le virage ESG du monde d’après

Rien ne vaut une bonne récession pour lutter contre le réchauffement climatique. Usines à l’arrêt, avions cloués au sol et voitures au garage, le confinement a entraîné une baisse spectaculaire des émissions de carbone. Il n’était point besoin d’en arriver à la paralysie pour admettre l’impératif du développement durable de nos économies. La crise sanitaire ne fait que remettre en lumière des tendances déjà établies : le vieillissement des populations, la surexploitation des ressources naturelles, la perte de biodiversité propice à la transmission de virus de l’animal vers l’homme, les fractures sociales… Dans cet après-coronavirus qu’il faut préparer dès maintenant se dessinent sans doute un recours accru au télétravail, une accélération du commerce en ligne, une régionalisation de certaines chaînes de valeur. Mais jusqu’où poussera-t-on la transformation socio-environnementale de notre modèle de croissance ?
Il convient de rester humble devant la promesse de nouveaux mondes qui, avec le recul, ressemblent furieusement à l’ancien (lire aussi la Table ronde page 6). Rien ne devait plus être comme avant, et rien n’a vraiment changé à la suite de la crise de 2008. Cette fois encore, les résistances seront nombreuses. Au sortir d’une récession sans équivalent depuis la Seconde guerre mondiale, la tentation sera grande de privilégier une relance classique et de remiser aux calendes grecques des engagements verts qu’il est toujours tentant d’opposer à l’emploi. Déjà, les secteurs les plus affaiblis, comme les compagnies aériennes, le réclament. Aux Etats-Unis, en Allemagne, en France, les gouvernements auront un œil fixé sur la courbe du chômage et l’autre sur celle des sondages en prévision des élections. Et s’ils coiffent de surcroît leur casquette d’actionnaire après avoir nationalisé quelques fleurons en perdition, l’arbitrage sera vite rendu. Facteur aggravant, le plongeon des prix du pétrole sert aujourd’hui les intérêts des entreprises les plus polluantes et favorise la consommation des énergies fossiles au détriment du renouvelable.
De cette pandémie qui n’arrive qu’une fois par siècle, il faudra bien pourtant tirer les leçons afin de se préparer aux prochaines crises. Or le Covid passe les entreprises au révélateur des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. Chacune devra à l’avenir tester et démontrer sa résistance à de nouveaux chocs – virus, changement climatique irréversible ou autre catastrophe. La capacité à créer durablement de la valeur sans épuiser son écosystème marquera les différences, y compris sur les marchés financiers, où les fonds dits ESG ont remarquablement résisté durant la tempête boursière du mois de mars. C’est une bonne nouvelle : plus que jamais, les investisseurs ont le pouvoir de façonner le « monde d’après ».
Plus d'articles du même thème
-
Le monde devient inassurable et le capitalisme va s'effondrer, alerte un dirigeant d'Allianz
Dans un post LinkedIn, Günther Thallinger, membre du comité de direction d'Allianz, s'alarme du réchauffement climatique rendant inopérant l'assurance, base du système financier. -
Le Parlement européen vote un report de CSRD
Le Parlement européen a voté le report des dates d’application des nouvelles législations de l’UE sur le devoir de vigilance et la publication d’informations en matière de durabilité pour certaines entreprises. -
Les Etats-Unis seront les premières victimes des tarifs douaniers réciproques
L’impact sur la croissance américaine est estimé entre 0,5 et 1 point en 2025, tandis que l’inflation devrait progresser de 1,5 à 2 points. Pour le reste du monde, cela dépendra des mesures de représailles. La guerre commerciale laissera des traces à long terme.
ETF à la Une
- La Banque Postale débarque le patron de sa banque privée
- A la Société Générale, Slawomir Krupa se prépare à la taylorisation des banques
- La Société Générale prend le risque d'une grève en France fin mars
- Une nouvelle restructuration à la Société Générale ne plairait pas aux investisseurs
- Le CCF a perdu une centaine de millions d’euros l’an dernier
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions