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Le régime sec de l’immobilier de bureaux devrait se poursuivre en 2024

Les historiens regarderont peut-être l’année qui s’achève comme une véritable annus horribilis pour l’immobilier commercial. L’investissement sur cette classe d’actifs a reculé de 54% en Europe, et en France nous avons renoué avec les niveaux de 2009, voire de 1993. Cette performance détestable fait suite au plus important krach obligataire du dernier demi-siècle, avec la sortie brutale d’un régime de taux d’intérêt zéro ou négatifs.
Les chiffres ne manquent pas pour illustrer la faiblesse du marché : on a retiré de la vente davantage d’actifs de bureaux en Ile-de-France (pour 4,2 milliards d’euros) qu’on en a vendu (3,6 milliards d’euros), la tour Accor à Issy-Les-Moulineaux compte à elle seule pour 10% du marché, du jamais vu en 30 ans ! Le taux de vacance du marché francilien de bureaux, véritable baromètre immobilier, s’établissait à 8,5% en décembre dernier et on l’attend aux alentours de 9,5% d’ici à deux trimestres, soit environ 5 millions de m², un record de deux décennies.
Suroffre embarquée depuis 2015
Les maux qui frappent le marché pourraient faire croire à une «perma-crise» : Covid, inflation des coûts de construction, rupture des chaînes d’approvisionnement et le fameux essor du télétravail. En réalité cette suroffre était embarquée depuis 2015. On a commencé alors à construire environ 44m² de bureaux par emploi tertiaire créé, selon une étude de l’IEIF. Ainsi l’on n’a placé en 2023 que 1,9 million de m² à la location, 18% en deçà de la moyenne décennale, alors même que la valeur ajoutée des entreprises (leur capacité à payer les loyers) ne s’est pas détériorée et que les défaillances d’entreprise, quoiqu’en hausse, n’ont pas atteint leur pic.
Ces mètres carrés placés se sont concentrés dans les marchés établis, Paris intra-muros, La Défense, la Première Couronne Sud, qui sont pour certains en situation de sous-offre, situation qui pousse les loyers à la hausse. Résultat, le reste du marché souffre. Les espoirs placés dans la réalisation du Grand Paris Express, avec la multiplication attendue des pôles tertiaires, tardent à se matérialiser. En réalité, les entreprises qui ont déménagé au cours des 18 derniers mois, ont globalement réduit leur surface de 25% à iso-budget, privilégiant la centralité, la desserte et l’agrément des locaux, pour encourager les collaborateurs à se retrouver en un lieu partagé.
A des degrés divers, ce que nous observons en France se joue aussi dans les autres grands marchés de bureaux en Europe, à ceci près que la France pourrait perdre en compétitivité sur le marché de l’investissement, du fait de ses exigences en matière de biodiversité qui ne sont pas formulées ailleurs et de l’hétérogénéité des diagnostics de performance énergétique (DPE). Une étiquette C en France équivaut à un B en Allemagne et au Royaume-Uni, et même A aux Pays-Bas ! Cette différence semble déjà traduite dans les dernières transactions, Paris ayant davantage corrigé les taux de rendement attendus que ses concurrents directs.
L’actif « value add » de taille moyenne, planche de salut ?
Les bureaux seront encore soumis à un régime sec. Peut-être sommes-nous parvenus à la fin de la tertiarisation de l’économie et de nombreux actifs n’ont plus d’utilité pour leur définition d’origine. Il faudra les convertir pour les commercialiser à nouveau, en logements, en résidences avec services (étudiants, jeunes actifs, seniors…) ou en commerces de proximité.
Pendant quelques trimestres encore, les institutionnels et les collecteurs d’épargne resteront à l’écart. Les premiers parce qu’ils enregistrent une surallocation en immobilier, malgré le rallye obligataire sensible fin 2023 et la bonne tenue des actions, et que cet immobilier est touché par la hausse des taux de capitalisation (ils ne vendront pas cette année) ; les seconds parce qu’ils ont dû abaisser, pour certains, la valeur de leurs parts et doivent redoubler de pédagogie pour relancer la collecte, mais aussi parce qu’ils ont pris des engagements réglementaires (par exemple liés au règlement SFDR) à n’investir qu’en actifs durables, alors que le parc des actifs de taille moyenne est vieillissant.
Ainsi, c’est le segment des tailles moyennes, de 30 à 100 millions d’euros de valeur d’actif, avec un profil de risque value-add, c’est-à-dire de transition durable, qui devrait animer le marché en 2024. Ces opérations constituent le gisement des transactions devenues core à horizon 2026-27, quand les institutionnels et les collecteurs d’épargne se positionneront à nouveau à l’achat, toujours à la recherche de biens de qualité. Ces rénovations contribueront à fabriquer les bureaux de demain.
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