
Le pétrole fait fi des signaux positifs

La réouverture de la Chine, l’embargo sur le pétrole russe, et l’arrêt des flux sur le pipeline Keystone, qui relie champs pétroliers canadiens et raffineries américaines, laissent présager de tensions durables sur les marchés du pétrole. Mais l’or noir n’en a cure. Jeudi, les cours de la matière première ont atteint leur point le plus bas sur un an, à 71,5 dollars pour le baril de WTI et 75,2 dollars pour le Brent. Le mouvement de prix (-11,5% pour le Brent depuis début décembre) a surpris les acteurs qui tablaient, selon Consensus Economics, sur un cours moyen en fin d’année de 96,3 dollars pour le Brent.
De fait, le marché est profondément déséquilibré. L’offre atteint 101,6 millions de barils par jours (mbpj), proche de son niveau record atteint fin 2018 (102,2 mbpj), en hausse de 3,4 mbpj depuis janvier malgré les coupes décidées par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) en octobre. La production des pays n’appartenant pas à l’Opec+ (Etats-Unis, Canada, Brésil, Norvège) demeure d’ailleurs au-delà des niveaux d’avant la pandémie.
A l’inverse, la demande s’affaiblit à mesure que les économies ralentissent. Selon des chiffres de Pictet Wealth Management, la consommation mondiale a chuté de 2,4 mbpj depuis janvier, à 99,6 mbpj aujourd’hui. La publication des chiffres de la demande mondiale par l’Opep, début décembre, a matérialisé les craintes des investisseurs et déclenché le mouvement sur les prix. Depuis le 6 décembre, la courbe des contrats à terme est repassée en report (contango), signal d’une faiblesse de la demande à court terme.
Par ailleurs, les positions des investisseurs sont en net déclin, en baisse de 32% sur l’année, menées par la fermeture des positions longues qui ont atteint un plus bas sur six ans. Leur débouclage, déclenché par les inquiétudes sur la croissance américaine, a contribué à peser sur les prix. La constitution, en parallèle, de positions courtes est un indicateur haussier à terme - les investisseurs devant racheter les contrats pour sortir de leur positionnement court.
Offre
En début d’année prochaine, deux autres éléments de soutien pourront se matérialiser. D’abord, le nombre de puits de pétrole exploités aux Etats-Unis stagne depuis novembre. « Le nombre de puits qui ne progresse pas, des entreprises qui vont continuer à rendre de la valeur aux actionnaires et des coûts de production en forte progression (qu’il s’agisse des salaires ou des matériaux nécessaires à exploiter un puits) font que l’expansion de la production de pétrole de schiste risque d’être freinée », souligne Jean-Pierre Durante, directeur de la recherche appliquée chez Pictet Wealth Management. « Les réserves sont désormais concentrées en Arabie Saoudite, aux Emirats Arabes Unis et en Irak, et Riyad est en position de dicter les prix », puisque la plupart des pays de l’Opep+ produisent déjà sous leurs quotas de production. Un maintien prolongé du Brent sous les 80 dollars pourrait déclencher un nouveau rééquilibrage du marché.
Enfin, l’embargo sur le pétrole russe risque de contraindre l’offre. Vendredi, la Russie n’a pas exclu de couper sa production si elle était incapable de la vendre à son prix. Or, l’Asie ne semble pas pouvoir absorber davantage de pétrole russe, d’autant que la fin de la politique sanitaire chinoise sera un processus chaotique. 0,8 mbpj de brut pourraient ne plus pouvoir sortir de Russie.
Reste à savoir quel substitut l’Europe trouvera au pétrole de l’Oural, qui représente 10% de ses importations maritimes de brut. Le pétrole vénézuélien, sur lesquels les sanctions semblent s’assouplir, est plus lourd et plus acide que celui de l’Oural, et les raffineries européennes pourront avoir du mal à le distiller. Des tensions devraient commencer à se matérialiser à mesure que l’embargo aura un impact sur l’offre, mi-janvier.
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