
Le marché interbancaire américain est en voie de normalisation

Le marché interbancaire américain s’était fortement tendu avec l’accident du 16 septembre 2019, entraînant une participation active aux opérations d’injection de liquidités quotidiennes proposées par la Fed depuis lors sous forme de «prises en pension» (appelées «repo») au jour le jour (de 75 à 120 milliards de dollars maximum selon les mois) ou à terme sur 14 jours en général (de 35 à 45 milliards). La banque centrale avait en outre décidé, le 11 octobre, la reprise de ses achats de bons du Trésor à court terme (T-bills) à hauteur de 60 milliards de dollars par mois jusqu’en juin 2020 «au moins», également pour soutenir les réserves des banques, puis de nouveau augmenté ses opérations quotidiennes de «repo» à partir du 12 décembre, en prévision d’une fin d’année compliquée.
La Fed craignait notamment les effets de «window-dressing», quand les banques diminuent leur ratio de levier par arrêt des prises en pension en fin d’année. D’autant plus que des raisons techniques, liées à un netting limité des positons sur les plates-formes utilisées, pouvaient limiter l’effet de ses opérations de «reverse repo» destinées à refinancer les positions nettes des courtiers (primary dealers) qui souffrent depuis septembre d’un élargissement inédit de leurs inventaires de titres du Trésor face au manque d’appétence croissant pour les nouvelles émissions.
Finalement, l’indice SOFR des taux sur les opérations de «repo» est depuis resté plat, autour de 1,52% (pour 1.000 milliards de dollars d’échanges quotidiens), à l’exception du 16 décembre (1,62%) qui correspondait, comme le 16 septembre, à un jour de paiement d’impôts sur les sociétés. Et les demandes de liquidités sous forme de «repo» auprès de la Fed de New York sont restées limitées : 20 à 50 milliards au jour le jour (moins des opérations de «reverse repo» certains jours), avec des «pics» à 77 et 64 milliards les 6 et 7 janvier – a priori en lien avec une forte reprise des émissions de T-Bills/T-Notes cette semaine -, et autour de 30 milliards à 14 jours. «Les marchés monétaires et interbancaires américains sont composés de différents segments, et cette fragmentation aboutit à trop de concentration sur certains segments, mais les grands ‘primary dealers’ ont semblé utiliser les opérations à terme, dont certaines autour de 30 jours, pour prendre les devants et financer à bon compte leurs inventaires de Treasuries de fin d’année», résume Guillaume Martin, stratégiste fixed income chez Natixis.
Vers un «mini-QE»
Le président de la Fed, Jerome Powell, a expliqué depuis septembre que le bon niveau d’équilibre des réserves excédentaires des banques à son bilan était peut-être plutôt à 1.400 ou 1.500 milliards (comme aujourd’hui) qu’à 1.300, comme c’était le cas alors, du fait des nouvelles contraintes réglementaires qui limitent la possibilité des banques à les employer sur le marché interbancaire : «Selon nos calculs, le niveau d’équilibre induit par la seule réglementation est plutôt de 1.000 milliards, car les grandes banques systémiques, plus contraintes, sont aussi celles avec les plus gros ‘buffers’ (coussins, ndlr) de liquidités. Du coup, il est possible que les injections mensuelles de 60 milliards deviennent superflues avant juin au regard du seul besoin de liquidités à court terme, voire nuisent à la liquidité sur les T-Bills. Cela pourrait expliquer la proposition de certains gouverneurs de la Fed pour qu’une partie de ces allocations servent déjà à racheter des T-Notes plus longs, avec un effet plus rapide sur l’augmentation de la duration du bilan qui ressemble donc à un mini-QE», poursuit Guillaume Martin.
Le compte-rendu du dernier comité de politique monétaire (FOMC) montre en outre que celui-ci réfléchit à diverses mesures pour normaliser le marché, notamment une remontée du taux de rémunération des réserves excédentaires (interest on excess reserves, IOER), qui a fait l’objet d’un quatrième ajustement technique à 1,55% en octobre. Ce FOMC a également modifié la formule de calcul des intérêts versés aux participants à la facilité de «repo» internationale, qui engendrait des comportements opportunistes réduisant une partie des réserves disponibles dans le système bancaire : «Auparavant, cette facilité de ’repo’ payait aux banques étrangères le SOFR (taux ‘repo’ RRP O/N + spread positif), ce qui les incitait à y participer plutôt que d’aller sur les marchés ‘repo’ onshore. Or cette facilité consomme directement des réserves, avec des plus hauts proches de 300 milliards par jour atteints en 2019», conclut le stratégiste.
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