
Le marché du gaz a du mal à mettre un prix sur le risque de pénurie

Les prix du gaz en Europe ont atteint, début octobre, un plus haut historique de 159 euros/MWh avant de chuter rapidement sous 100 euros après la proposition du président russe Vladimir Poutine d’augmenter les approvisionnements pour aider à stabiliser le marché du gaz. Les contrats TTF novembre 21 traités à Rotterdam s’échangeaient lundi à 83,80 euros. Les prix ont quadruplé depuis janvier. La forte volatilité sur ce marché mardi 6 octobre illustre la difficulté pour les opérateurs à estimer la prime de risque afférente à une pénurie de gaz cet hiver.
Les marchés mondiaux du gaz se sont resserrés en ce début de saison de chauffage pour l’hémisphère nord. Les stocks de gaz sont à leur plus bas niveau saisonnier depuis plus d’une décennie, en raison notamment d’une sortie d’hiver 2020-21 froide et d’une forte consommation de la part des industriels post-Covid. Mais d’autres facteurs sont à l’œuvre. Les approvisionnements en provenance de Russie, producteur marginal pour l’Europe, sont limités, et la concurrence mondiale amène les principaux exportateurs de gaz naturel liquéfié (GNL) à l’acheminer vers l’Asie, plus habituée à payer plus cher. La Chine où la pénurie d’énergie s’est aggravée ces dernières semaines en raison de la faiblesse de la production et des importations de charbon a réorienté ses approvisionnements vers le marché du gaz.
Ce marché, qui s’est dans un premier temps développé de façon régionale, s’est peu à peu intégré globalement. Il s’est d’abord développé aux Etats-Unis dans les années 1980-1990 où le Henry Hub en Louisiane est devenu le principal point de liquidité. Les contrats sont cotés sur le Nymex et servent de référence dans les indices de matières premières. En Asie, les prix sont basés sur le gaz naturel liquéfié (Asia JKM LNG). En Europe, le premier pool de liquidité s’est développé en Grande-Bretagne, le premier marché libre. Ce marché physique s’est développé sur le continent européen pays par pays, mais la liquidité s’est focalisée sur le marché néerlandais à Rotterdam. Ce sont les contrats TTF (Title Transfer Facility).
Equilibre contraint
L’une des particularités est que la quantité de gaz à la vente et à l’achat pour chaque intervenant (producteur de gaz, société de stockage, réseau de distribution…) sur le marché doit systématiquement être équilibrée. «Sur les marché physiques de gré à gré, tous les intervenants ont une position avérée et la règle est que le marché ne peut pas être déséquilibré», explique un trader. Dans le cas contraire, l’intervenant doit se couvrir sous peine d’encourir une pénalité. Dans une période où les stocks de gaz sont bas, et où seule la Russie a aujourd’hui la capacité de fournir du gaz, les autres étant déjà à pleine capacité, la difficulté à évaluer la prime de risque liée à une pénurie fait rapidement bondir les prix, en raison de ce mécanisme.
«Dès qu’on n’a pas beaucoup d’amortisseurs, la réponse du marché est non linéaire», poursuit ce trader. Ce qui est lié à une demande très inélastique et une offre qui a peu de flexibilité. Les prix ont fortement progressé en Europe, où le risque de pénurie est le plus manifeste. Outre les contrats TTF, ceux traités au Royaume-Uni se sont également envolés. Les contrats NBP ont quadruplé, comme les TTF, à 216 pence/thermie (100.000 British thermal unit, Btu), avec une pointe à 293 livres. Si la hausse n’est pas aussi spectaculaire sur les marchés américains et asiatique, la tendance a suivi récemment.
Un marché avant tout physique
Le marché du gaz est un marché essentiellement physique mais des opérateurs non physiques, comme des industriels, peuvent se couvrir contre les risques d’évolution des prix du gaz via des contrats futures. Les hedge funds sont aussi très présents sur ce marché. Les contrats futures sont devenus le benchmark pour les prix sur ce marché. A l’heure actuelle, c’est le contrat TTF novembre 21 qui alimente l’évolution des prix en Europe. C’est sur le premier contrat dans le temps, comme sur tous les marchés futures, que se concentre la liquidité du marché.
Sur les marchés physiques, outre le lieu géographique de cotation, il existe une multitude de contrats permettant aux intervenants de couvrir leurs besoins. Ces contrats sont spot ou à échéance avec différentes «options» de livraison : next hour, within day, day ahead, working day, weekend, balance of month… Entre les différentes places les contrats sont traités avec un spread : Asia JKM LNG contre TTF par exemple.
«La liquidité est restée sur ce marché même quand la volatilité a été exacerbée et les prix ont bondi à près de 160 euros avant de rechuter», affirme un spécialiste. Le marché devra confirmer ce premier test lors de prochains épisodes de volatilité qui ne manqueront pas d’intervenir. La plupart des observateurs anticipent une poursuite de la hausse des prix.
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