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Le cycle de baisse des taux pourrait être plus rapide qu’actuellement anticipé

L’inflation a considérablement diminué des deux côtés de l’Atlantique. Elle est désormais proche de l’objectif, atteignant 2,6% en mai aux États-Unis en glissement annuel (PCE) et 2,5% en juin en zone euro, soit en forte baisse par rapport aux pics respectifs de 7,1% (en juin 2022) et de 10,6% (octobre 2022).
La Fed et la BCE restent toutefois prudentes dans leur politique de taux, conscientes que l’inflation des prix des services continue d’être supérieure à l’inflation globale et des risques. Elles redoutent l’éventualité de nouveaux chocs du côté de l’offre, notamment dans un nouvel ordre mondial plus fragmenté, alors que les marchés du travail restent tendus. Une autre source de préoccupation est que l’amorce de resserrement de la politique budgétaire pourrait être suivie d’un assouplissement excessif au premier signe de ralentissement. La dernière source d’incertitude importante provient des transformations structurelles substantielles en cours, qu’il s’agisse des transitions écologique ou numérique.
Naviguer dans cet environnement n’est pas une tâche facile, et il n’est pas surprenant que les banques centrales aient communiqué sur le fait que leurs décisions vont dépendre des données, conjointement à leurs évaluations des perspectives d’inflation. La question pour la BCE et la Fed est de trouver un bon équilibre entre les données, dont une grande partie est rétrospective, et les perspectives.
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Effets Euro 2024, Jeux olympiques et… Taylor Swift
Il faut comprendre que cette dépendance n’est pas une dépendance ponctuelle aux données. La présidente de la BCE, Christine Lagarde, l’a fait valoir dans son discours d’ouverture du forum annuel de la BCE et il est clair que la BCE et la Fed examineront le bruit inévitablement présent dans les données ponctuelles. Les possibilités de bruit temporaire abondent en Europe cet été avec l’Euro 2024 de football, la tournée de concerts de Taylor Swift et les Jeux olympiques, susceptibles de tendre les prix dans les secteurs liés au tourisme comme l’hébergement, les restaurants et le transport.
Le défi pour les banques centrales est d’évaluer dans quelle mesure la rigidité apparente de l’inflation est un effet décalé du choc des prix passé et dans quelle mesure elle pourrait relancer une nouvelle inflation. En effet, lorsque les prix en amont de la chaîne de production enregistrent une augmentation, comme ceux des semi-conducteurs, il faut du temps pour qu’elle se propage à travers les chaînes de valeur vers les prix de biens et des services. Plusieurs canaux sont à l’œuvre, chaque étape contenant une part décroissante du choc de prix initial et reflétant également le pouvoir de fixation des prix des entreprises et des salariés. Pour les services, le canal salarial s’avère souvent le plus important.
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Rattrapages salariaux
Le processus de négociation salariale a ses propres retards et décalages. L’élément rétrospectif concerne les efforts des employés pour rattraper leur perte de pouvoir d’achat passé. Plus ce processus est échelonné, plus il faut du temps pour que les banquiers centraux aient une image complète de la dynamique des salaires. L’inquiétude prospective concerne le fait que les hausses de salaires pourraient déclencher un regain d’inflation, mais cela n’est pas très visible à ce jour de part et d’autre de l’Atlantique.
Les banques centrales doivent évaluer le risque d’une résurgence de l’inflation par rapport à celui d’une politique monétaire restrictive, qui s’accompagne de décalages incertains et peut déclencher un ralentissement économique douloureux. Les données d’enquête sont particulièrement utiles pour évaluer cet équilibre, et notamment les anticipations d’inflation. Plusieurs économistes ont dénoncé la réaction trop lente des banques centrales lorsque les pressions sur les prix ont commencé à s’intensifier pendant la pandémie, lorsque les anticipations d’inflation dérivaient à moyen terme, et notamment leur queue de distribution.
D’un côté, le fait que les marchés du travail restent tendus donne aux banques centrales des arguments pour ne pas accélérer les baisses de taux. De l’autre, les anticipations d’inflation devraient leur donner confiance en leur capacité à lever en toute sécurité une partie des restrictions de politique monétaire. Une caractéristique frappante de la situation actuelle est qu’après un cycle de resserrement des taux parmi les plus rapides jamais enregistrés, les marchés anticipent l’un des cycles d’assouplissement les plus lents. Cela pourrait toutefois être sur le point de changer, car les marchés du travail montrent déjà des fissures dans les performances, des deux côtés de l’Atlantique.
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