La zone euro augmente ses programmes de dette… sans risque

L’Allemagne prévoit d'émettre 180 milliards d’euros de nouvelles dettes en 2021.
Fabrice Anselmi
Secteur bancaire européen Europe zone euro UE
Les nouveaux besoins de financement nets des pays de la zone euro sont estimés à 760 milliards en 2021.  -  Crédit Fotolia.

La commission des finances du Bundestag a approuvé vendredi le budget de l’Allemagne pour 2021, avec près de 500 milliards d’euros de dépenses publiques, et l’émission de 180 milliards d’euros de nouvelles dettes à moyen-long terme nettes pour couvrir les dépenses exceptionnelles liées à la crise du covid-19, de l’ordre de 300 milliards, étalées sur les deux années. Le ministère des Finances avait annoncé en juin l’émission de 218 milliards de nouvelles dettes nettes pour 2020, et explique que la Finanzagentur n’en a émis que 190, ce qui lui a permis de proposer au Parlement un report pour 2021, et donc d’augmenter l’autorisation d’émissions – limitée par les règles budgétaires allemandes – de 84 milliards de plus que prévu en septembre.

Egalement avant la seconde vague de coronavirus, la France avait prévu d’émettre 260 milliards de dettes à moyen-long terme nettes pour 2021 (au lieu de 205 milliards dans le PLF 2020 finalement portés à 260 avec la crise), avec 127,3 milliards de retombées, auxquelles s’ajouteraient 18,8 milliards de bons du Trésor à court terme (au lieu de 10 dans le PLF 2020, finalement portés à 53). Comme son homologue allemande prochainement, l’Agence France Trésor (AFT) détaillera son programme pour 2021 le 9 décembre (avant le vote définitif du budget le 18 décembre).

A l’échelle de la zone euro, les prévisionnistes, qui raisonnent sur la base des émissions «brutes» en ajoutant les rachats anticipés, non communiqués par les agences et dépendant également des conditions de refinancement, tablent sur des programmes 2021 très comparables à 2020, autour de 1.250 milliards d’euros, dont par exemple 350 milliards pour l’Italie, 295 pour la France, 225 pour l’Allemagne et 175 pour l’Espagne chez Natixis. «Nous pensons que l’Allemagne restera sur le même programme d’émissions à moyen-long terme brutes, et que l’AFT l’augmentera très légèrement, les deux finançant davantage les besoins liés au Covid-19 avec des dettes à court terme, comme en 2020», indique Jean-Christophe Machado, analyste spécialisé chez Natixis. «La Commission européenne (CE) a estimé que les nouveaux besoins de financement nets des pays de la zone euro s’élèveront à 760 milliards en 2021, soit moins que les 982 milliards prévus pour 2020, mais toujours plus qu’en 2019», ajoute Charlotte de Montpellier, économiste chez ING.

PEPP «compatible»

Malgré cette stabilité, il faudra faire avec un nouvel entrant sur le marché, en «la personne» de l’Union européenne (UE) qui devra boucler son programme Sure (40 milliards ont été émis sur 90) et lancer le programme NextGeneration EU (750 milliards). Avec quels risques pour les taux souverains en 2021 ? Aucun, répondent les analystes, pour différentes raisons. Premièrement, le fonds de relance - s’il est adopté - ne serait préfinancé que marginalement en 2021, pour 65 à 75 milliards selon les prévisions.

Deuxièmement, il n’y aura pas de risque de déséquilibre entre l’offre (même accrue) et la demande de dette, grâce à l’intervention de la Banque centrale européenne (BCE) dont tous anticipent qu’elle annoncera en décembre l’augmentation de son programme d’achats d’urgence (PEPP) en le faisant passer de 1.350 milliards (dont 700 dépensés en 2020) à 1.750, 1.850 ou 1.950 milliards à investir d’ici à fin 2021. En sachant que le PEPP ne peut théoriquement consacrer que 10% de son encours aux dettes supranationales correspondant au fonds de relance. «Sur la base d’investissements similaires du PEPP en 2021, en ajoutant 170 milliards du programme régulier (PSPP), et en comptant 670 milliards de retombées, l’offre de dette nette pour les marchés serait encore négative de 380 milliards sur 2021, poursuit Jean-Christophe Machado. La BCE pourrait même étendre encore la période d’investissement du PEPP sur 2022 en n’utilisant pas toute l’enveloppe disponible en 2021 et en justifiant des effets prolongés de la pandémie sur l’économie.» «Une hausse du PSPP (à 40 milliards par mois par exemple) est aussi possible : il est peu probable que la BCE commence à réduire son bilan avant 2023, sans oublier la forte demande d’obligation d’Etat de la part d’investisseurs privés», ajoute Charlotte de Montpellier.

Enfin, certains commencent déjà à évoquer un retour des divergences entre taux souverains de la zone euro. «On pourra craindre des petites tensions fin 2021 à l’approche des élections françaises ou du vote du budget italien, mais nous ne voyons pas les écarts avec le Bund retrouver les niveaux de mars 2017 ou mars 2020», note Jean-Christophe Machado. «Le soutien de la BCE aux pays périphériques se poursuivra tant que la situation économique ne sera pas normalisée. Et on peut espérer que, sur le plan politique, l’UE aura retenu les leçons de la crise de la dette souveraine», conclut Charlotte de Montpellier.

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