
La Turquie met son secteur financier sous tension

L’ensemble des banques fortement exposées à la Turquie reculent en Bourse lundi, à la suite du limogeage en fin de semaine dernière du gouverneur de la banque centrale turque. Parmi les banques les plus touchées, l’espagnole BBVA chute de 6,2% à 4,39 euros en fin de matinée. Selon les analystes de Jefferies, la Turquie représente environ 10% des bénéfices de l'établissement espagnol via sa participation de 49,9% dans l'établissement turc Garanti.
UniCredit, BNP Paribas et la néerlandaise ING sont également présentes en Turquie, mais Jefferies rappelle que la contribution du pays à leurs résultats est bien plus faible que celle de BBVA. L’action ING perd 1,5% à Amsterdam, BNP Paribas cède 0,3% à Paris, et UniCredit abandonne 0,5% à Milan.
Les marchés s’interrogent sur l’indépendance de la banque centrale du pays après que le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a brusquement limogé vendredi son président, Naci Agbal, pour le remplacer par Sahap Kavcioglu, un économiste et ancien député du parti au pouvoir.
Cette décision a causé un plongeon de la livre turque, qui perd plus de 10% face au dollar, tandis que la Bourse d’Istanbul abandonne près de 10%.
Hausse de taux fatale
Naci Agbal, qui avait pris la tête de l’institution en novembre 2020, a été limogé vendredi soir, au lendemain d’un relèvement du taux directeur de la Banque de Turquie de 17% à 19%. Cette mesure était destinée à freiner l’inflation, qui a atteint 15,6% sur un an en février.
Sahap Kavcioglu, économiste et ancien député du parti au pouvoir, remplacera Naci Agbal à la tête de l’institution. Cette nomination amène les investisseurs à s’interroger sur l’indépendance de la banque centrale à l’avenir.
Naeem Aslam, responsable de l’analyse de marché chez Avatrade, juge « inévitables » la baisse de l’indice et de la livre turque après une décision aussi soudaine. « Les spéculateurs continueront à y voir une opportunité de vendre la livre turque, mais ils courent le risque de se brûler les doigts car la reprise économique en Turquie est devenue beaucoup plus forte après la crise du coronavirus », prévient-il toutefois.
Risque pour la balance des paiements
Le président Erdogan cherche à obtenir une forte croissance économique alimentée par de faibles coûts d’emprunt et s’oppose donc depuis longtemps à des taux d’intérêt élevés.
Cependant, sa dernière initiative risque de déclencher une crise de la balance des paiements, avertit Jason Tuvey, économiste spécialisé dans les marchés émergents chez Capital Economics. Selon lui, Naci Agbal avait effectué un travail louable en essayant de restaurer la crédibilité de la banque centrale depuis sa prise de fonction en novembre et son départ laisse penser que les efforts de la banque centrale pour combattre l’inflation en Turquie pourraient prendre fin.
Le déficit des comptes courants de la Turquie s’est creusé à environ 5% du produit intérieur brut (PIB) l’année dernière et la dette extérieure à court terme s'établit à environ 180 milliards de dollars, soit 25% du PIB, indique Jason Tuvey.
Dans ce contexte, la livre turque risque de poursuivre son repli, commente UniCredit. « Le risque de nouvelles pressions vendeuses et d’une volatilité élevée sur la livre turque est réel », souligne la banque. Inquiets des tensions inflationnistes en Turquie, les investisseurs vont maintenant attendre la prochaine réunion de politique monétaire de la Banque de Turquie, prévue le 15 avril, ajoute-t-elle
Plus d'articles du même thème
-
Les droits de douane de Donald Trump assomment les économies asiatiques
L’usine du monde est particulièrement affectée par la méthode de calcul du président américain. -
Les actions émergentes se reprennent malgré les mesures de Donald Trump
Leur progression depuis janvier se rapproche de 6%, dans l’ombre des actions européennes, mais loin devant les américaines qui attiraient tous les regards en début d’année. -
Les actifs turcs retrouvent un fragile équilibre
La devise, les actions et les taux se stabilisent lundi malgré une situation politique tendue après l'incarcération du principal opposant au président turc.
ETF à la Une
- La Banque Postale débarque le patron de sa banque privée
- A la Société Générale, Slawomir Krupa se prépare à la taylorisation des banques
- La Société Générale prend le risque d'une grève en France fin mars
- Une nouvelle restructuration à la Société Générale ne plairait pas aux investisseurs
- Le CCF a perdu une centaine de millions d’euros l’an dernier
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions