
La crise ukrainienne fait flamber le pétrole

La tendance, alimentée par la reprise en flèche de la demande mondiale d’or noir, préexistait à la guerre en Ukraine. Mais elle a accéléré ces derniers jours dans des proportions rarement vues. La flambée du pétrole a porté le baril de Brent à un sommet depuis 2014, à plus de 110 dollars (et un pic à 114 dollars). Le baril de WTI, extrait en Amérique du Nord, a atteint près de 110 dollars. Ils sont respectivement en hausse de 14% et 16% sur une semaine, et de 57% et 59% sur trois mois.
Les sanctions occidentales contre la Russie font craindre de fortes perturbations sur le marché mondial des hydrocarbures. Parallèlement, la récente intensification des achats de pétrole par la Chine, qui cherche à sécuriser ses approvisionnements, a accentué la pression sur les cours de l’or noir.
Troisième producteur mondial de pétrole, la Russie figure au deuxième rang (après l’Arabie Saoudite) en termes d’exportations, avec près de 5 millions de barils par jour expédiés, destinés en majorité au marché européen (53%). Les sanctions annoncées par les Occidentaux ne visent pas directement les exportations en or noir du pays – même si les Etats-Unis n’excluent pas à terme d’empêcher la Russie de vendre son pétrole à l’étranger. Mais elles les perturbent fortement.
Les acheteurs, notamment les raffineries, commencent manifestement à se détourner de l’or noir russe. «Les banques sont moins enclines à financer le commerce de commodities russes tandis que les armateurs sont aussi réticents à charger dans les ports de la Mer Noire», souligne un stratège. Témoin de cette frilosité à l’égard du pétrole russe, ce dernier se traite avec une décote massive, de 18 dollars par rapport au Brent de la mer du Nord.
Statu quo de l’Opep
La réunion de l’Opep+, mercredi, n’est pas venue calmer les craintes d’un fort déficit d’offre. En dépit de circonstances exceptionnelles, les treize membres de l’Opep et leurs dix alliés emmenés par la Russie ont maintenu leur politique d’augmentation très progressive de la production, mise en place à l’été 2021 pour accompagner la reprise économique post-Covid.
L’Opep+ augmentera ainsi son offre de 400.000 barils par jour le mois prochain, comme elle le fait chaque mois depuis août dernier. Dans son communiqué final, l’organisation n’a pas fait explicitement mention de la situation en Ukraine. «La volatilité actuelle n’est pas provoquée par des modifications des fondamentaux du marché mais par l'évolution actuelle de la situation géopolitique», a-t-elle simplement constaté.
Sa marge de manœuvre est en fait étroite. «Face à la hausse de la demande de pétrole, les capacités inutilisées de l’Opep+ se réduisent rapidement, ce qui complique la tâche du groupe lorsqu’il s’agit de compenser toute perturbation significative de l’offre», font remarquer les experts d’UBS.
L’AIE, un effet de court terme
Indifférents à la décision de l’Opep+, les cours du pétrole n’avaient pas davantage réagi aux annonces de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), mardi. Ses 31 membres se sont entendus pour puiser 60 millions de barils dans leurs réserves stratégiques. Un tel geste est perçu comme ayant des effets limités dans le temps, malgré son caractère exceptionnel : l’AIE n’y avait eu recours de manière coordonnée qu’à trois reprises par le passé, lors de la guerre du Golfe (1991), de l’ouragan Katerina (2005) et du conflit au Liban (2011).
Parmi les forces de rappel qui pourraient enrayer la flambée de l’or noir, les opérateurs évoquent un aboutissement des discussions sur le nucléaire iranien, qui conduirait à un retour rapide des exportations de pétrole iranien. Mais les experts retiennent davantage l’hypothèse d’une poursuite de la hausse du pétrole. Dans un scénario, en particulier, où les exportations russes d’or noir seraient directement ciblées par des sanctions occidentales, Warren Patterson, responsable des matières premières chez ING, envisage un Brent à 150 dollars le baril.
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