
La crise creuse les écarts entre les pays

La pente sera raide, longue, semée d’embûches, et certains auront beaucoup de mal à la remonter. En livrant mardi ses nouvelles Perspectives économiques mondiales (World Economic Outlook, WEO), le Fonds monétaire international (FMI) n’a rien caché des conséquences durables de la pandémie de coronavirus, qui accroît les inégalités entre pays et au sein de chaque pays. Si l’institution de Washington se montre plus optimiste pour 2020, avec une contraction attendue de 4,4% du produit intérieur brut (PIB) mondial au lieu des -5,2% annoncés en juin, son pessimisme s’est accru pour l’an prochain.
En 2021, le PIB mondial devrait croître de 5,2%, un rebond un peu moins marqué que celui anticipé il y a quatre mois (+5,4%). Le coup d’arrêt est déjà visible dans certains indicateurs avancés, comme les PMI des services en zone euro, qui ne tiennent pas encore compte du renforcement des mesures sanitaires dans de nombreux pays.
Augmentation de l’extrême pauvreté
Le choc lié à la pandémie entraînera surtout des «dommages durables» pour la plupart des économies, mais avec des effets très variables selon les pays. «La perte persistante de production implique un recul important du niveau par rapport à ce qui était attendu avant la pandémie, note l'économiste en chef du FMI, Gita Gopinath. Non seulement l’incidence de l’extrême pauvreté augmente pour la première fois depuis deux décennies, mais les inégalités vont s’accroître, car la crise touche de manière disproportionnée les femmes, les travailleurs du secteur informel, et ceux dont le niveau d’éducation est relativement faible.»
Les pays émergents et en voie de développement sont en première ligne. Ils constituent d’ailleurs la seule région pour laquelle le FMI a revu en baisse ses prévisions 2020 entre juin et octobre, avec une contraction attendue de 3,3% (-0,2 point). «Les perspectives se sont considérablement détériorées dans certains pays émergents et en développement où les infections augmentent rapidement», souligne Gita Gopinath. Les petits pays et ceux dont l’économie dépend des matières premières ou du tourisme se trouvent dans une situation particulièrement difficile.
Les banques tiennent bon
La crise est exceptionnelle en ce qu’elle touche d’abord le secteur des services du fait des mesures de confinement ou de distanciation sociale. L’inégalité des économies face à un tel choc apparaît nettement. La Chine serait la seule à afficher une croissance du PIB en 2020, de 1,9%, une performance qui équivaut malgré tout pour ce pays à une forme de récession. En zone euro, les divergences resteront fortes, avec une contraction de 6% en Allemagne, de 9,8% en France et de 12,8% en Espagne cette année. Les économies les plus touchées sont mécaniquement celles qui afficheront les taux de rebond les plus élevés l’an prochain : 7,2% pour l’Espagne, contre 6% pour la France et 4,2% pour l’Allemagne. Mais en valeur par rapport à fin 2019, les écarts entre pays se seront creusés.
Consolation tout de même, le Fonds n’en tire pas de conséquences dommageables pour le secteur financier... sauf dans les pays fragiles. «Le système bancaire est capable d’absorber un nouveau choc adverse», a estimé hier Tobias Adrian, le responsable des marchés de capitaux au FMI, en précisant que «les banques d’importance systémique mondiale (G-SIB) sont en général plus stables» que leurs concurrentes plus petites. Ces dernières ont davantage à craindre d’un scénario économique pessimiste qui, s’il se concrétisait, pourrait faire apparaître un déficit de fonds propres de 220 milliards de dollars (190 milliards d’euros) même une fois pris en compte l’assouplissement des exigences réglementaires, estime le FMI. Là encore, c’est dans les pays émergents que se concentreraient les banques à problème, un handicap de plus pour le rebond de ces économies.
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