
La BCE augmente ses taux de 0,5 point, deux fois plus que prévu

La Banque centrale européenne (BCE) a mis fin jeudi à sa politique de taux négatifs en relevant ses taux directeurs pour la première fois depuis juillet 2011 et en optant pour une hausse de 50 points de base, supérieure à ses propres indications prospectives. Le conseil des gouverneurs a par ailleurs approuvé la création d’un nouvel outil anti-fragmentation, très attendu par les investisseurs dans un contexte politique très tendu en Italie.
Afin de combattre une inflation galopante en zone euro, la BCE a relevé ses taux directeurs de 50 points de base, plutôt que des 25 points de base qu’elle prévoyait en juin. Le taux des opérations principales de refinancement est ainsi porté de 0% à 0,5% et le taux de rémunération des dépôts passe de -0,5% à 0%. Ce taux se situait en territoire négatif depuis 2014.
«Le conseil des gouverneurs a estimé qu’un premier pas sur la voie de la normalisation des taux d’intérêt plus important qu’indiqué lors de sa réunion précédente était approprié», a souligné la BCE dans sa déclaration de politique monétaire.
Une décision unanime
Lors de la conférence de presse qui a suivi cette réunion, la présidente Christine Lagarde a expliqué que le conseil des gouverneurs avait «débattu en interne des avantages et des inconvénients de s’en tenir à une hausse de 25 points de base», comme indiqué en juin, et avait finalement «décidé qu’il était globalement approprié de franchir une étape plus importante pour sortir des taux négatifs».
Cette décision, adoptée «à l’unanimité» par les 25 membres du conseil des gouverneurs, se justifie par les risques que crée l’inflation, qui a atteint un record de 8,6% sur un an en juin dans la zone euro, et par le soutien qu’apportera le nouvel outil anti-fragmentation, a-t-elle souligné.
Alors que les économistes estiment que l’inflation pourrait dépasser 9% en juillet, la hausse des taux annoncée jeudi ne constitue que la première étape du processus de normalisation de la politique monétaire de la banque centrale, qui prévoit d’augmenter à nouveau ses taux dans les prochains mois. «La trajectoire future des taux directeurs du conseil des gouverneurs restera dépendante des données et contribuera à assurer que son objectif d’inflation de 2% à moyen terme soit atteint», a précisé la BCE.
Selon Christine Lagarde, l’inflation devrait rester «excessivement élevée pendant un certain temps», les tensions inflationnistes s'étendant à davantage de secteurs. La dépréciation de l’euro contribue à ces tensions, a-t-elle remarqué, en ajoutant que la hausse des salaires s’accentuait mais restait contenue. «La BCE est très attentive aux événements concernant l'énergie et le gaz», a par ailleurs indiqué la responsable.
La décision de septembre dépendra des données
Cherchant à éviter une nouvelle erreur de communication, Christine Lagarde a précisé pendant sa conférence de presse que la décision que prendra la BCE en septembre dépendrait «des données reçues pour septembre» et que les indications prospectives fournies le mois dernier, qui laissaient attendre une hausse des taux d’au moins 50 points de base à la rentrée, n'étaient «plus applicables».
A terme, l’objectif de la BCE est d’avancer vers des taux neutres, a indiqué Christine Lagarde, tout en soulignant «ne pas savoir à ce stade» où se situe ce taux théorique, qui ne stimule ni ne freine l'économie et qui évolue constamment.
Ainsi, le niveau auquel la BCE parviendra à hisser ses taux dépendra également de l'évolution de la conjoncture, qui s’est dégradée récemment en raison notamment des répercussions de la guerre en Ukraine. Christine Lagarde a toutefois indiqué que l’institution ne prévoyait pas de récession dans la zone euro en 2022 ni l’an prochain dans son scénario central.
Prête à «mettre le paquet» pour éviter la fragmentation
Par ailleurs, le conseil des gouverneurs de la BCE a approuvé la création d’un nouvel «instrument de protection de la transmission» (IPT), afin de contrer les risques de fragmentation des conditions financières au sein de la zone euro. Cet outil avait été annoncé à l’occasion d’une réunion extraordinaire du conseil des gouverneurs en juin, convoquée après une forte augmentation des écarts de taux sur les marchés entre les obligations souveraines allemandes et italiennes.
«L’IPT assurera notamment la bonne transmission de l’orientation monétaire dans tous les pays de la zone euro, à mesure que le conseil des gouverneurs poursuivra la normalisation de la politique monétaire. L’unicité de la politique monétaire du conseil des gouverneurs est une condition préalable de la réalisation du mandat de maintien de la stabilité des prix de la BCE», a souligné la banque centrale jeudi.
Ce dispositif, auquel tous les pays de la zone euro seront éligibles, «pourra être activé pour lutter contre une dynamique de marché injustifiée, désordonnée qui représente une menace grave pour la transmission de la politique monétaire au sein de la zone euro. L’ampleur des achats au titre de l’IPT dépendra de la gravité de ces risques», a précisé la banque centrale, en ajoutant qu’il «n’existe pas de restrictions ‘ex ante’ sur les acquisitions».
La BCE est capable de «mettre le paquet» pour répondre aux risques pour la transmission de la politique monétaire, a martelé Christine Lagarde.
Un instrument activé à la discrétion du conseil des gouverneurs
Plusieurs critères ont toutefois été fixés par la BCE pour permettre l’accès à l’IPT : les Etats bénéficiaires ne devront pas se trouver en procédure de déficit excessif, ils ne devront pas présenter de déséquilibres économiques sévères et et ils devront mener des politiques «saines et viables», a détaillé la responsable. La trajectoire de la dette du pays bénéficiaire devra être viable, a-t-elle ajouté.
Les achats porteront essentiellement sur des titres du secteur public disposant d’une maturité restant d’un à dix ans, a également indiqué la BCE dans un communiqué. L’institution n’a toutefois pas exclu de procéder à des achats de titres du secteur privé, «si nécessaire».
Cet instrument «nous aidera à assurer notre mandat de stabilité des prix», a déclaré Christine Lagarde, en indiquant que son activation se ferait «à la discrétion» du conseil des gouverneurs à l’issue d’une «évaluation approfondie» de la situation du pays concerné.
Les marchés circonspects
Si l’annonce de ce nouveau dispositif en juin avait permis aux écarts de taux de se resserrer en zone euro, la BCE doit encore convaincre les investisseurs de son efficacité.
L’indice Stoxx Europe 600 a clôturé en hausse de 0,44%, tandis que le CAC 40 gagnait 0,27% et que le DAX allemand cédait 0,27%. L’euro s’essoufflait également, affichant un gain de 0,02%, à 1,0186 dollar.
Parallèlement, les tensions sur les taux restaient vives. En forte hausse depuis l’annonce de la démission du président du Conseil italien et prédécesseur de Christine Lagarde à la tête de la BCE, Mario Draghi, le rendement du BTP à dix ans bondissait de 14,4 points de base, à 3,514%. Parallèlement, le taux du Bund allemand de même maturité reculait de 4,3 points de base, à 1,216%, creusant l'écart avec son équivalent italien à presque 230 points de base, contre 211 mercredi soir.
Plus d'articles du même thème
-
EXCLUSIF
Les gestionnaires de taux contiennent leur panique
Les prévisionnistes de L’Agefi tendent à ajouter une baisse de taux à six mois tout en diminuant leurs prévisions pour les taux longs aux Etats-Unis et en augmentant celles sur la zone euro. -
La désinflation se poursuit en zone euro
La diminution de la hausse des prix dans les services et une convergence plus générale entre les pays apparaissent comme un nouvel encouragement en faveur d’une septième baisse des taux de la Banque centrale européenne en avril. -
«La Fed devrait poursuivre ses baisses de taux jusqu’à 3,75% en fin d’année»
Warin Buntrock, directeur adjoint des gestions chez BFT IM
ETF à la Une
- La Banque Postale débarque le patron de sa banque privée
- A la Société Générale, Slawomir Krupa se prépare à la taylorisation des banques
- La Société Générale prend le risque d'une grève en France fin mars
- Une nouvelle restructuration à la Société Générale ne plairait pas aux investisseurs
- Le CCF a perdu une centaine de millions d’euros l’an dernier
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions