
La baisse du prix du pétrole pourrait ne pas durer

Le retour de vacances sera peut-être un peu moins douloureux que prévu pour les automobilistes. Les prix à la pompe ont déjà commencé à se détendre ces derniers jours et la tendance devrait se poursuivre si l’on en croit l’évolution récente des cours du pétrole.
En moins de trois semaines, le prix du Brent de la mer du Nord a fondu de 16% et il plonge de 25% depuis son pic de juin dernier. Le 17 août, il est tombé sous 92 dollars le baril. Son équivalent américain, le WTI, a de son côté perdu 29% en un peu plus de deux mois, à 87 dollars. De tels niveaux de prix n’avaient plus été vus depuis février, avant l’invasion russe de l’Ukraine. L’explication à ce brusque repli n’est toutefois pas des plus réjouissantes. La chute du cours du pétrole est d’abord liée aux craintes de voir l’Europe et les Etats-Unis tomber en récession. Elle risque de toucher l’Allemagne dès le second semestre et l’économie américaine pourrait basculer au cours des prochains trimestres. Même la Chine, qui paye les conséquences de sa politique zéro Covid, subit un ralentissement de son activité. De quoi peser sur la demande mondiale de pétrole et, donc, sur les prix.
Résistance russe
Au-delà de ces perspectives conjoncturelles déflationnistes, la flambée du cours de l’or noir depuis février a aussi commencé à peser sur la consommation de carburants. Aux Etats-Unis, la «driving season» qui court de mai à début septembre n’a par exemple pas entraîné de hausse de la demande. Selon une note de JPMorgan publiée le 12 août, le surplus de consommation de 400.000 barils par jour observé habituellement n’a, pour le moment, pas eu lieu cette année.
Du côté de l’offre, les flux en provenance de Russie se maintiennent à un niveau élevé en dépit des sanctions occidentales. Selon JPMorgan, la production du pays n’est que 300.000 barils par jour inférieure à son niveau de février, après avoir perdu jusqu’à 1,1 million de barils par jour en avril. Le marché a aussi les yeux rivés sur l’Iran. L’Union européenne étudie depuis le 16 août la réponse de la République islamique à son texte définitif qui pourrait permettre de relancer l’accord de 2015. Encore très hypothétique, cette perspective pourrait autoriser une levée de l’embargo occidental sur l’or noir iranien et ramener environ 1 million de barils par jour sur le marché. Parallèlement, la production américaine devrait continuer à croître, même si les acteurs du pétrole de schiste continuent à privilégier le retour aux actionnaires. Fin juillet, le nombre d’appareil de forage en service a dépassé 600, en hausse de 50% sur un an, selon les chiffres de Baker Hughes. L’Agence américaine de l’énergie (EIA) estime que la production de pétrole de schiste pourrait progresser de 141.000 barils par jour entre août et septembre, à un record depuis mars 2020. «La libération par les Etats-Unis d’un million de barils par jour de leurs stocks stratégiques joue aussi un rôle important dans la stabilisation du marché», estime Benjamin Louvet, gérant matières premières chez OFI Asset Management. «Mais elle s’arrêtera à la fin du mois d’octobre», avertit-il. De quoi relancer les prix ? Plusieurs observateurs peinent en tout cas à imaginer le cours du Brent rester durablement sous 100 dollars le baril.
Entre 100 et 110 dollars
JPMorgan prédit ainsi un prix moyen de 101 dollars au second semestre et de 98 dollars en 2023. Barclays vise pour sa part 103 dollars cette année et la prochaine. De nombreux facteurs risquent en effet de tendre le marché au cours des prochains mois. La crise énergétique en Europe pourrait pousser le continent à utiliser du pétrole pour produire de l’électricité cet hiver. «Le prix du gaz est quatre à cinq fois plus cher que celui du pétrole ce qui pourrait entraîner la substitution de 1 à 1,5 million de barils par jour équivalent pétrole», prévient Benjamin Louvet. La mise en place d’un embargo de l’Union européenne sur le pétrole russe, prévue pour le début de l’année prochaine, devrait aussi retirer de l’ordre de 1 million de barils par jour du marché. La saison des ouragans, qui ne se terminera pas avant fin novembre, est également susceptible d’entraîner des perturbations aux Etats-Unis. «Le prix à un an du pétrole demeure nettement inférieur à son prix au comptant ce qui est caractéristique d’un marché tendu», rappelle Benjamin Louvet qui estime, lui aussi, que le cours d’équilibre du baril se situe actuellement entre 100 et 110 dollars. L’embellie sur les prix à la pompe pourrait bien ne pas durer…
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