
Finance, l’Europe en mal de stratégie

Six ans après le vote britannique sur le Brexit, la place de Paris s’est indiscutablement renforcée sur l’échiquier financier européen. Passée une période d’observation bien compréhensible, les investisseurs étrangers ont pris acte des efforts entrepris par la France pour restaurer son attractivité. En témoigne l’offensive des banques américaines, dont les effectifs auront quintuplé dans la capitale en quelques années, avec une nette accélération depuis la sortie effective du Royaume-Uni.
Dommage que l’on ne puisse en dire autant de l’Europe. Depuis le référendum fatidique de juin 2016, le continent n’a guère marqué de points dans la lutte d’influence qui l’oppose aux Etats-Unis et à l’Asie. Le Brexit, comme il était à craindre, est même synonyme d’un affaiblissement relatif sur ce front. Et pour cause : l’Union européenne souffre de ne pas considérer ses banques ou ses gestionnaires d’actifs comme l’un des piliers de son soft power.
Fort parmi les faibles
L’industrie financière appartient pourtant aux quelques secteurs vraiment stratégiques dont dépend la richesse d’une nation, aux côtés de l’énergie, de la défense ou encore des technologies de pointe. Les Etats-Unis l’assument depuis fort longtemps, avec la logique d’un rouleau compresseur, grâce à la force du dollar et de leurs règles extraterritoriales. Dans un autre style, sans pouvoir compter sur des leaders mondiaux, Londres a fait de la City un point de passage obligé pour tous les financiers du globe. Et en Europe ? Seule la France peut revendiquer un écosystème assez riche, avec des banques, des assureurs et des assets managers parmi les plus puissants du continent. Pas assez cependant pour susciter une dynamique.
Le sort du Fonds de résolution unique illustre ce splendide isolement. La zone euro, en pleine crise, avait réussi à rétablir la confiance des investisseurs en mettant sur pied ce pare-feu destiné à prévenir et gérer les faillites bancaires. Aujourd’hui, les banques françaises en abondent la plus grande part, acquittant une facture annuelle de plusieurs milliards d’euros à cause d’une formule de calcul basée sur leurs dépôts. Un jeu de dupes qui arrange bien nos partenaires, par ailleurs peu sensibles à la compétitivité du secteur financier européen. L’Allemagne privilégie son industrie automobile, l’Italie et l’Espagne se sont concentrées sur la restructuration de leurs marchés domestiques, et les autres pays se désintéressent d’un sujet qui ne les concerne guère. Résultat, les banques françaises ne veulent même plus parachever l’union bancaire, craignant d’être les seules à en payer le prix, tandis que l’Union des marchés de capitaux, désormais privée de l’aiguillon britannique, reste une chimère. Etre fort parmi les faibles, telle est aussi pour Paris la rançon du Brexit.
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