Dettes excessives et «juste valeur» sont à la base de la volatilité des marchés

Pour Jean-François Serval, fondateur du Groupe Audit et expert comptable, la fair market value ajoute à l’instabilité d’un système financier rendu fragile par l’accumulation des déficits et des dettes
Fondateur du Groupe Audit
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Une tribune de Jean-François Serval, fondateur du Groupe Audit et expert comptable.  -  Crédit Thinkstock.

Aux causes déjà bien identifiées de l’origine de la crise financière actuelle - l’impact de la hausse des taux sur des placements obligataires massifs dans le contexte d’une « bulle » dans l’univers des start-up -, il ne faut pas oublier d’ajouter le cadre structurel qui façonne la vie économique : celui des déficits et de l’accumulation de dettes qui l’accompagne.

La politique des taux bas pour financer ces déficits a engendré une masse de liquidités qui a déréglé les mécanismes du marché. Les repères d’évaluation de la richesse créée ont été rendus inopérants et les organes de contrôle n’ont pu jouer leur rôle de régulateur. Le Haut rapport de Larosière, commandité par la Commission européenne en 2009, a toutefois permis d’éviter, par les coussins prudentiels mis en place, un effondrement du système financier international, miné par l’instabilité chronique engendrée par l’excès de liquidités et amplifiée par les incertitudes comptables.

On sait depuis toujours que les normes comptables ne changent rien à la réalité sous-jacente de l’économie. A une réserve près, toutefois, et de taille, celle de l’effet de la représentation comptable sur le comportement de l’agent économique, à savoir la confiance. Le normalisateur comptable a changé la perception de l’espace financier, en remplaçant la valeur historique, celle de la date d’émission, par la valeur de marché au jour de l’évaluation de l’actif, la fair market value (FMV ou « juste valeur »). Le ver de l’instabilité était entré dans le fruit, d’autant que dans le même temps le législateur multipliait les mesures pour rendre les instruments financiers de plus en plus liquides (la titrisation) et que la révolution technologique du digital accélérait considérablement la vitesse de circulation des instruments financiers, devenus monnaies par leur nature liquide, sur la base d’une valeur (la FMV) de plus en plus volatile. Dans ce contexte d’instabilité, des «accidents» comme ceux de Silicon Valley Bank et de Credit Suisse devait logiquement arriver, ainsi que le risque de contamination à des établissements systémiques qui menace aujourd’hui.

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Perte de confiance

Malgré les attentes placées dans la FMV, cette dernière n’a pas permis d’amortir les chocs de volatilité grâce à une analyse plus fine des variations des cours, pour la simple raison que ceux-ci restent une donnée virtuelle qui ne renseigne pas sur la garantie de l’instrument financier monétarisé. Seule la garantie en dernier ressort d’un Etat crédible par l’équilibre de ses finances peut apporter la stabilité souhaitée à un système monétaire, en l’absence d’étalon qui garantisse les dépôts sur la base d’une valeur de référence. Les valses hésitations actuelles des gouvernements à garantir sans limite les dépôts des établissements défaillants illustrent cette réalité.

Nous voyons donc qu’une hausse des taux dévalue les portefeuilles obligataires et génère mécaniquement des pertes qui réduisent le capital des actionnaires et le gage des créanciers, avec la perspective d’une crise de liquidités dans un climat de perte de confiance générale, que les instruments visés soient comptabilisés en FMV ou en valeur historique.

En définitive, l’effet positif que la fair market value était censée apporter, un financement plus aisé des investissements, s’est révélé illusoire. La FMV va à l’encontre de ce que doit être une monnaie : instrument financier ou pas, elle doit être garantie en dernier ressort par les autorités régaliennes en charge de la sécurité des citoyens et non pas être liée à la seule «exubérance irrationnelle des marchés». Encore faut-il que les systèmes de garantie soient financés, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui en raison de la trop grande importance des dettes.

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