
Paris se voit en capitale de la supervision financière

Elles ne seraient que 250 personnes installées à Paris, 300 au maximum, mais le symbole serait fort. La France postule pour accueillir le futur siège de l’Agence européenne de lutte contre le blanchiment d’argent ou Amla (Anti Money Laundering Agency). Le processus de sélection de la ville qui hébergera l’institution n’est pas encore ouvert mais le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a fait mardi l’annonce officielle de la candidature de la capitale.
Dans cette course, Paris fait face à d’autres prétendants comme Francfort, qui a annoncé sa candidature il y a un an, dès la création de l’Alma. Madrid s’est prononcé il y a une semaine, après Vienne et Vilnius. Sans oublier la possible candidature de Rome. L’agence doit voir le jour prochainement en vertu du paquet législatif publié le 21 juillet 2021 par la Commission européenne. Son lieu d’ancrage sera choisi par les Etats de l’Union européenne au premier semestre 2023. Les pays candidats peuvent se déclarer jusqu’au dernier moment, mais devraient se décider avant la fin de cette année. Le gouvernement français a confié la responsabilité du projet de candidature à Robert Ophèle, qui a été notamment sous-gouverneur de la Banque de France, président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution puis président de l’Autorité des marchés financiers jusqu'à cet été.
Effet de groupe
La capitale française présente ses atouts : elle fait valoir qu’elle compte déjà plusieurs institutions en lien avec la lutte contre le blanchiment ou la supervision. Elle héberge par exemple, dans les locaux de l’OCDE, le Groupe d’action financière (Gafi), organisme intergouvernemental de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, depuis sa création en 1989. Elle est aussi le siège de l’Esma, l’Autorité européenne des marchés financiers, qui regroupe les gendarmes boursiers européens, et, depuis 2019, de l’Autorité bancaire européenne (EBA). Cette dernière était basée à Londres à sa création en 2011, après la grande crise financière, mais a été transférée dans la capitale française en 2019 après le Brexit, Paris l’ayant emporté sur Dublin lors du processus de candidature.
L’installation de l’Amla à Paris faciliterait d’ailleurs le transfert de compétences entre l’EBA, actuellement en charge du sujet, et la future agence, qui sera responsable de la supervision directe des 30 à 40 établissements jugés les plus « sensibles ».
Robert Ophèle insiste aussi sur d’autres critères qui, bien que paraissant annexes, peuvent peser dans le choix du lieu. Les infrastructures ferroviaires de la France sont mises en avant – à l’heure ou les déplacements en avion sont de plus en plus décriés – ainsi que l’attractivité du bassin d’emploi et du cadre de vie de la capitale pour faire venir les futurs collaborateurs de l’agence et leur famille. Enfin, le gouvernement précise que les locaux disponibles ne manquent pas, que ce soit vers la Défense, comme c’est le cas pour l’EBA ou dans le quartier de Bercy, comme pour l’Esma.
Enfin, lors de sa déclaration de candidature, Bercy a opportunément rappelé que la France avait été classée par le Gafi au premier rang des pays « luttant efficacement contre la criminalité financière ».
Première place financière
Cette candidature s’inscrit dans la continuité de la politique d’attractivité poursuivie par la France depuis le vote du Brexit en 2016. Le 14 novembre dernier, Bruno Le Maire a ainsi renouvelé la mission d’attractivité de la place de Paris de Christian Noyer, l’ancien gouverneur honoraire de la Banque de France. Cette mission avait été mise en place en janvier 2017, soit six mois après le résultat du référendum actant la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE, pour nouer le dialogue avec les établissements désireux de transférer leurs équipes et leurs activités sur le continent. Le gouvernement souhaite toujours faire de la France « la première place financière de l’Union européenne » en attirant sur le territoire les succursales et filiales d’institutions financières.
Or, la proximité des superviseurs est un des moyens de d’attirer ces entreprises. La présence à Francfort de la Banque centrale européenne (BCE) constitue un élément que la ville met régulièrement en avant pour convaincre les banques étrangères d’y implanter leur structure juridique de tête. En revanche, «la qualité et la sophistication des superviseurs français dans la compréhension des activités de marché joue clairement en faveur de l’installation à Paris des hubs de trading», indique le patron d’une banque américaine dans la capitale. Paris n’a pas la BCE mais se verrait tout de même bien en centre de gravité européen de la supervision. Reste à convaincre ses partenaires européens.
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