
Les répliques d’une méga-fusion

Deutsche Bank et Commerzbank s’apprêtent à réaliser ce qui passait pour impossible il y a tout juste quelques mois : la création en Europe d’une banque encore plus systémique à l’échelle mondiale. Voulu par Berlin en dépit de son coût social et politique, le projet cache, sous le terme galvaudé de « champion national », un sauvetage public déguisé de la première banque allemande et une tentative protectionniste de mettre son dauphin et sa belle clientèle d’entreprises du Mittelstand à l’abri d’appétits étrangers. Aussi fragile puisse sembler le modèle économique du nouvel ensemble, ce mariage, s’il se concrétise, aura des conséquences sur la consolidation de l’industrie.
Même si les banquiers et les superviseurs se montrent toujours aussi réservés vis-à-vis des rapprochements transnationaux en Europe, que les contraintes de solvabilité et de liquidité découragent, un rachat de Commerzbank par un acteur non domestique aurait sans doute déclenché des répliques à brève échéance. Par son caractère national, dans un marché allemand à la rentabilité étique, la fusion à l’étude n’oblige en rien les autres banques européennes à lancer à leur tour les grandes manœuvres. Mieux, la lourde et longue restructuration annoncée leur ouvre la perspective de nouveaux gains de parts de marché et, le cas échéant, d’une croissance externe bienvenue. Le gestionnaire d’actifs DWS, pour lequel Amundi a déjà manifesté dans le passé son intérêt, la banque polonaise mBank et le réseau de détail de Deutsche Bank en Italie, n’auront aucun mal à trouver preneur si leurs propriétaires devaient se résoudre à les mettre en vente.
Il y aurait encore loin de ces acquisitions ciblées à une vraie consolidation paneuropéenne. Il reste que nul ne peut rester indifférent à l’issue d’un rapprochement entre les deux premiers acteurs privés outre-Rhin. Si ce projet industriel est couronné de succès, et si Berlin pousse ses Länder à restructurer leurs prêteurs régionaux, ce dont beaucoup de professionnels doutent encore tant il y a de coups à prendre, l’Allemagne aura remis d’aplomb un secteur bancaire qui passe aujourd’hui pour le plus affaibli d’Europe. Quant aux raisons de fond qui ont poussé à une accélération du calendrier, tous les acteurs de la zone euro y demeurent confrontés : le surplace monétaire de la Banque centrale européenne renvoie aux calendes grecques la restauration des marges d’intérêt, chacun révise ses ambitions à la baisse dans les activités de marché, le coût du risque ne peut que remonter, et la décote boursière du secteur par rapport à son actif net traduit une défiance durable des investisseurs. Que l’un de ces facteurs structurels s’aggrave, et même les banques dont la situation financière n’est pas aussi tendue que celle de Deutsche Bank seront forcées d’agir.
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