
Les banques françaises devront être prudentes sur les rachats d’actions

Critiquées par le superviseur unique de la Banque centrale européenne (BCE) pour leurs scénarios économiques insuffisamment conservateurs, les banques vont devoir appliquer une certaine retenue dans leurs trajectoires anticipatives de capital. Le message a été répété ce lundi 5 novembre par le gouverneur de la Banque de France et président de l’ACPR François Villeroy de Galhau, à l’occasion de la conférence annuelle dédiée à la supervision.
Banques et assureurs devront aussi faire preuve de «prudence» en matière de rachats d’actions, a-t-il précisé, rappelant que ces derniers sont soumis à l’autorisation explicite du superviseur, l’ACPR en France et la BCE pour les grands groupes bancaires de la zone euro. L’autorité européennevient d’ailleurs d’engager un dialogue musclé avec la banque italienne Unicredit,jugeant que son programme de rachat d’actions annoncé en montant absolu n’est pas conforme aux règles annoncées en septembre.
En revanche, le souvenir douloureux de la suspension du versement des dividendes lors de la crise du Covid-19 ne devrait pas se répéter. « Les scénarios économiques devront être exigeants, mais rien ne nous paraît justifier aujourd’hui une restriction générale sur les dividendes », a déclaré François Villeroy de Galhau. La décision de l’ACPR, qui faisait suite à une recommandation du comité européen du risque systémique, avait provoqué une vague de mécontentement dans le secteur en 2020. Le groupe d’assurance Axa, qui avait appliqué à la lettre le conseil du superviseur en renonçant à verser un dividende à ses actionnaires, s’était notamment estimé pénalisé vis-à-vis de son concurrent Allianz. Le superviseur allemand, la Bafin, s’était montré beaucoup plus souple en autorisant, au cas par cas, le versement de dividendes et les programmes de rachats d’actions.
Pas de nouvelle recharge du coussin contracyclique en 2023
Au plan des bonnes nouvelles, François Villeroy de Galhau a annoncé ce lundi « une pause » en 2023 dans le rechargement du coussin de fonds propres contracycliques des banques françaises. Ce coussin, constitué comme « une réserve de crédit » destinée à être relâchée en cas de besoin pour soutenir le financement de l’économie,sera relevé à 1% en décembre prochain,a annoncé le Haut conseil à la stabilité financière (HCSF) lors de sa dernière réunion à l’automne. Son taux avait été exceptionnellement abaissé à 0% pendant la crise du Covid-19. Il faudra plus d’un an aux banques françaises pour intégrer cette surcharge dans leurs trajectoires de capital. En revanche, elles ne subiront pas de nouvelle hausse du taux de ce coussin l’an prochain, a annoncé le gouverneur de la Banque de France. « En 2023, le ralentissement de l’économie invite à l’équilibre et la politique macro-prudentielle doit être protectrice sans être procyclique. Cela pourrait signifier à nos yeux une pause, mais non un relâchement, dans la constitution de la réserve de crédit», a-t-il précisé.
A la suite du krach obligataire lié aux fonds de pension britanniques, l’ACPR s’est évidemment penchée sur l’exposition des acteurs français aux produits dérivés. Son enquête a conclu que ces derniers avaient « peu » recours à ces produits. Reflétant ce faible niveau de risque, «les primes sur les CDS (credit default swaps) des banques françaises sont d’ailleurs inférieures à celles des banques britanniques, américaines ou des autres banques européennes», s’est félicité François Villeroy de Galhau. Le superviseur se dit malgré tout vigilant sur les acteurs de l’intermédiation non bancaire qui ont causé «tous les épisodes d’instabilité financière depuis deux ans», en raison de l’exposition aux dérivés, mais aussi d’un recours excessif à l’effet de levier, ou encore d’une «asymétrie de liquidités dans certains fonds ouverts fragilisés par des retraits massifs de capitaux». Il considère aussi que la suite d’effondrements observés dans l’écosystème crypto appelle «de manière criante un renforcement de la régulation», qui devra être «partagé ailleurs» qu’en Europe.
Enfin, l’ACPR met en garde les assureurs ce lundi quant à la transparence sur les frais d’assurance vie. A la suite de l’engagement de place signé à Bercy, le superviseur avait opté pour « le dialogue » avec le secteur plutôt que la contrainte. «Nous avions souhaité des progrès dès cette année mais nous constatons que le compte n’est pas bon. Sous réserve d’une avancée de la profession, nous prendrons donc une recommandation d’ici à la mi 2023», a annoncé François Villeroy de Galhau.
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