
Les banques face aux limites du devoir de vigilance

Entre les banques et leur tutelle, le fond de l’air se rafraîchit. La Banque centrale européenne, dans ses habits de superviseur unique, passe pour trop intrusive jusque dans le secret des délibérations des conseils d’administration. Le président de la Société Générale, Lorenzo Bini Smaghi, pourtant partisan d’une surveillance renforcée lorsqu’il officiait de l’autre côté de la barrière, s’en est ému par écrit. Il relaie un sentiment de lassitude largement partagé dans une profession qui consacre toujours plus de ressources à la gestion de la conformité, au risque de perdre de vue sa raison d’être : le financement de l’économie.
La période est propice aux tensions. La BCE mène avec la centaine de banques qu’elle supervise directement son évaluation annuelle. Cet examen déterminera la politique de dividendes et de rachats d’actions pour chaque établissement en 2023. Cette année, l’exercice se révèle bien ardu. Les résultats du secteur sont d’une remarquable tenue, le retour à des taux d’intérêt positifs favorise les marges, mais la récession annoncée promet une hausse du coût du risque, la hantise des superviseurs.
Inventaires à la Prévert
Si les gendarmes bancaires se montrent tellement pointilleux, c’est qu’ils veulent éviter une nouvelle crise financière dont le contribuable finit toujours par régler l’addition. Ils peuvent mettre à leur actif la résistance des banques européennes aux différents chocs de marché des dix dernières années et à la pandémie de Covid. Les règles adoptées après la chute de Lehman Brothers et leur stricte mise en œuvre ont rendu le système plus robuste. Mais les tutelles poursuivent aussi des agendas cachés. Elles tendent, comme toute institution, à élargir leur pré carré et pérenniser leurs ressources. Et depuis le traumatisme de 2007-2008, elles craignent par-dessus tout qu’on puisse leur reprocher d’avoir manqué à leur devoir de vigilance. D’où ces mises en garde régulières contre les risques systémiques, vrais inventaires à la Prévert qui mettront leurs auteurs à l’abri des critiques le jour de la crise venu. D’où, en retour, la mauvaise humeur des banques, pas dupes de ces jeux de pouvoir.
Or, dans ce processus d’optimisation sous contrainte qu’imposent les autorités, un terme trop souvent manque : la compétitivité. Harnachées et casquées pour résister aux stress, les banques européennes sont-elles également bien armées pour affronter leurs concurrents et relever le défi du financement de la transition énergétique ? Leur retraite quasi complète des Etats-Unis et l’offensive des banques d’investissement américaines sur le Vieux Continent montrent assez de quel côté de l’Atlantique les réglementations ont fait pencher la balance. Tel est aussi l’enjeu de ces passes d’armes entre les banques et leurs contrôleurs : que le secteur puisse demeurer l’un des piliers de la souveraineté européenne, au même titre que les industries de l’énergie ou de la défense.
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