
Le spleen boursier des banques

Il est assez rare que les banques abordent une crise dans la peau du sauveur plutôt que du condamné. Cet éphémère retour en grâce doit aujourd’hui rendre jaloux les assureurs français. Il constitue en revanche une maigre consolation pour les actionnaires d’un secteur dont la valorisation touche des profondeurs inconnues en Europe depuis le cataclysme de 2008. La pandémie, le confinement et la récession majeure qu’ils entraînent vont aggraver, à brève échéance, les maux d’une industrie n’ayant pas su convaincre la Bourse de la pertinence de son modèle économique.
Taux bas, réglementation coûteuse : ces contraintes n’auront pas disparu dans le monde d’après. La première est la condition de la solvabilité des Etats ; seule l’urgence a mis pour partie la seconde entre parenthèses, et à titre temporaire. Il y a quelques mois, l’équation était déjà complexe à résoudre. La voilà rendue encore plus nébuleuse par l’impact de la récession sur les bilans bancaires. L’ampleur des pertes à venir, matérialisées dans les résultats du premier trimestre par l’inflation des provisions, se prête à tous les scénarios. Les questionnements qui ne manqueront pas de surgir autour de la solidité de la zone euro pourraient aussi retisser le lien entre risque bancaire et risque souverain dans l’esprit des investisseurs. Comment s’étonner dès lors que ces derniers évitent soigneusement les actions des banques ?
L’intervention massive et coordonnée des politiques monétaire et budgétaire a certes empêché que le choc du mois de mars ne dégénère en crise financière. Dans l’ensemble, les banques européennes n’ont pas brûlé de capital au premier trimestre en accumulant des pertes, comme elles l’avaient fait à partir de l’été 2007. Ou plutôt, cette destruction s’accomplit de manière plus insidieuse. La rentabilité du secteur pour les deux à trois prochaines années ne devrait pas rembourser le coût de son capital, et cette lente érosion se lit dans des cours boursiers inférieurs à l’actif net comptable par action. La nationalisation partielle de l’économie, si elle évite les pertes immédiates, ravale en outre les banques au rang de service public du crédit – une simple commodité dont la valeur ne saurait être bien élevée pour un investisseur privé.
Pour se sortir du piège, reste un dernier élément de l’équation, la mutation numérique. Le confinement a permis un saut digital qui, pour le secteur, est autant porteur d’opportunités que de risques. La transformation était déjà en cours. Son accélération pourrait éviter aux banques les plus efficaces, et à leurs actionnaires, que le monde boursier d’après ne ressemble désespérément à celui d’avant.
Plus d'articles du même thème
-
Harvest commence à sortir du bois après sa cyber-attaque
Sonia Fendler, directrice générale adjointe chez Harvest, est intervenue à la Convention annuelle de l’Anacofi, quelques jours après s'être exprimée lors d'une réunion organisée par la CNCGP. Elle a donné des premiers éléments d’explications sur l’origine de la fuite de données et confirmé que la période d’indisponibilité des services ne sera pas facturée. -
La loi de finances 2025 a laissé aux banques un sentiment aigre-doux
Par souci de justice fiscale, la loi de Finances 2025 a apporté un certain nombre de modifications dont plusieurs touchent les banques de façon directe ou indirecte. Certaines dispositions ne sont pas à l’avantage du secteur bancaire mais d’autres sont plutôt bénéfiques. Zoom sur deux exemples concrets. -
Thomas Labergère (ING): «Il faut réconcilier le citoyen avec l'économie et la finance»
A l'occasion de l'événement Banques 2030 organisé le 27 mars par L'Agefi, Thomas Labergère, le directeur général d'ING en France, évoque les mesures nécessaires pour promouvoir la compétitivité des banques européennes.
ETF à la Une
- La Banque Postale débarque le patron de sa banque privée
- A la Société Générale, Slawomir Krupa se prépare à la taylorisation des banques
- La Société Générale prend le risque d'une grève en France fin mars
- Une nouvelle restructuration à la Société Générale ne plairait pas aux investisseurs
- Le CCF a perdu une centaine de millions d’euros l’an dernier
Contenu de nos partenaires
-
Pénuries
En combat air-air, l'aviation de chasse française tiendrait trois jours
Un rapport, rédigé par des aviateurs, pointe les « vulnérabilités significatives » de la France en matière de « supériorité aérienne », décrivant les impasses technologiques, le manque de munitions et les incertitudes sur les programmes d'avenir -
Escalade
L'armée algérienne passe à la dissuasion militaire contre la junte malienne
La relation entre Alger et Bamako ne cesse de se détériorer ces derniers mois alors qu'ex-rebelles et armée malienne s'affrontent à la frontière algérienne -
En panne
Pourquoi les Français n’ont plus envie d’investir dans l’immobilier
L’immobilier était le placement roi, celui que l’on faisait pour préparer sa retraite, celui qui permettait aux classes moyennes de se constituer un patrimoine. Il est tombé de son piédestal. La faute à la conjoncture, à la hausse des taux, à la chute des transactions et à la baisse des prix, mais aussi par choix politique : le placement immobilier a été cloué au pilori par Emmanuel Macron via une fiscalité pesante et une avalanche de normes et d’interdictions