
Les dettes souveraines sont sous surveillance des agences de notation

Les émetteurs souverains continuent d’affluer sur le marché pour financer leurs budgets de crise. Après le Portugal, la Belgique et l’Irlande, au cours des dernières semaines, l’Italie a émis hier 16 milliards d’euros d’emprunts à 5 ans et 30 ans. Cette opération a recueilli 110 milliards d’euros de demandes d’investisseurs à la recherche de duration et de spread. L’Espagne devrait émettre pour sa part un emprunt à 10 ans ce mercredi dans le cadre également d’une syndication bancaire. Ce sera la troisième cette année. Les deux pays doivent financer plusieurs dizaines de milliards d’euros de budget pour faire face à la crise du coronavirus et l’Italie projette de mettre 50 milliards d’euros supplémentaires pour soutenir la reprise économique.
Ces émissions ont pesé sur les spreads des dettes périphériques déjà malmenées ces dernières semaines malgré l’intervention massive de la Banque centrale européenne (BCE), dont un tiers des achats réalisés au travers du programme d’achat urgence pandémique (PEPP) concerne les titres italiens. Le rendement du BTP à 10 ans a quasiment doublé en deux semaines à 2,15% (+22 points de base, hier) et approche de ses plus hauts de mi-mars (2,4%). Les taux espagnol et portugais à 10 ans ont avancé de 11 pb hier, à 0,99% et 1,14%, respectivement. Les dissensions au sein de l’Union européenne entre pays du sud et du nord de l’Europe sur l’idée d’une mutualisation des dettes européennes pèsent également sur ces émetteurs.
Verdict de S&P le 24 avril
La tension sur les taux italiens intervient aussi à quelques jours de l’annonce par S&P Global Ratings ce vendredi 24 avril de sa décision sur la note souveraine de l’Italie actuellement BBB en perspective négative. D’aucuns anticipent un abaissement compte tenu du contexte économique et de la dégradation du ratio de dette sur PIB. «La note actuelle offre une marge d’un cran avant que la note de l’Italie ne tombe en ‘high yield’ chez S&P», souligne Axel Botte, stratégiste chez Ostrum AM qui précise néanmoins qu’une perspective négative pourrait pousser certains investisseurs à vendre la dette italienne. D’autant que deux semaines après S&P, ce sera au tour de Moody’s de communiquer sur son rating qui est à Baa3, soit à la limite de la catégorie spéculative, mais avec une perspective stable. Axel Botte ajoute que cela n’aurait toutefois pas d’impact sur le programme de la BCE tant qu’une des quatre agences prises en compte (S&P, Moody’s, Fitch et DBRS, cette dernière étant à BBB+) est en investment grade.
Vu l’ampleur de la crise et les conséquences sur les finances publiques des différents pays, des rétrogradations de plusieurs crans d’un coup ou dans une période courte sont possibles. Lors de la crise de la zone euro, l’Espagne, l’Italie et le Portugal ont vu leur rating dégradé de quatre à neuf crans. L’Espagne est ainsi passée de AAA à BBB- avant de revenir à A. L’Italie est la seule à avoir continué de voir sa note baisser, ce qui explique l’écart de spread avec les autres dettes périphériques (hors Grèce).
Depuis le début de la crise, peu de notes souveraines européennes ont été modifiées par les agences. Néanmoins tous les pays sont, dans le contexte actuel, sous la menace d’une rétrogradation ou d’une mise sous surveillance ou d’une perspective négative. Ainsi, après la Grande-Bretagne dont la note a été rétrogradée d’un cran à AA- par Fitch Ratings avec une perspective négative, compte tenu d’une hausse attendue du ratio de dette sur PIB à 100% en raison de la crise du coronavirus, c’est la France qui a vu sa dernière note AAA, attribuée par DBRS Morningstar, placée en perspective négative. «La pandémie représente un risque baissier évident pour les perspectives de croissance de la France, ses finances publiques et l’agenda de réformes du gouvernement», justifie l’agence de notation. Elle rappelle que le gouvernement français a répondu à la crise par une augmentation de 110 milliards d’euros de son budget, avec un déficit qui devrait atteindre 9% du PIB et une dégradation du ratio de dette sur PIB à 115%. Un scénario sans doute encore trop optimiste. «Le rating pourrait être abaissé si le choc économique était suffisamment sévère pour dégrader sérieusement la perspective budgétaire de moyen terme et détériorer fortement la trajectoire de la dette publique», avertit DBRS Morningstar. Une perspective peu encourageante pour les marchés de taux. Le rendement de l’OAT 10 ans était stable hier à 0,07% quand celui du Bund reculait de 4 pb, à -0,48%.
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