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« Les besoins de financement pour restaurer la biodiversité sont immenses »

Le fonds Sienna Biodiversity Private Credit Fund vient de réaliser son premier financement en dette privée auprès de GreenPods, une entreprise spécialisée dans l’agriculture régénératrice.

Quels constats ont incité Sienna IM à dédier un fonds de dette privée à la thématique de la biodiversité ?
Claire Sanson : Sienna IM a lancé en 2023 une réflexion en interne sur la biodiversité, de façon générale mais aussi en tant que thème d’investissement, puis nous nous sommes rapprochés de Malakoff Humanis et La France Mutualiste qui souhaitaient aussi mettre en œuvre une stratégie d’investissement sur ce thème, ce qui a abouti au premier closing de notre fonds fin 2024. En amont, nous avons réalisé une analyse approfondie du pipeline et du marché, afin de bien comprendre quels sont les besoins de financement et ainsi comment investir en dette privée dans la biodiversité. Il y a un consensus pour considérer que plus de la moitié du PIB mondial dépend des ressources naturelles, aussi les entreprises qui ne s’en préoccuperont pas vont souffrir. Les besoins de financement pour restaurer la biodiversité sont ainsi estimés à 700 à 900 milliards d’euros par an d’ici 2030.

Quelle est la vocation de GreenPods en tant qu’entreprise visant à protéger la biodiversité ?
Boris Spassky : La vocation de GreenPods est d’appréhender l’activité agricole en ne se limitant pas à un objectif de profitabilité. Notre constat est que l’agriculture est une cause majeure de la dégradation de la biodiversité et aussi bien sûr l’une des principales victimes. Moins de biodiversité signifie moins de plantes, d’animaux et de micro-organismes essentiels à la pollinisation, à la purification de l’eau et au maintien de la fertilité des sols. Aussi afin d’enrayer cette perte de biodiversité, pour ensuite la restaurer, l’agriculture représente un levier majeur, avec une démarche fondée sur trois objectifs : éviter, réduire et restaurer. Pour notre part, nous nous sommes spécialisés dans l’agriculture régénératrice, qui se définit selon quatre grandes lignes : moins d’intrants de synthèse, moins de tirages sur la ressource en eau, plus de biodiversité et de meilleurs revenus dans les communautés rurales. En tant que société à mission, dotée d’une raison d’être, nous souhaitons appuyer notre développement sur des méthodes tangibles. C’est en appliquant des principes simples, qui se matérialisent en pratique par des techniques comme le non-labour ou la présence de couverts végétaux que l’on peut réparer la terre.
Quels sont les profils des entreprises auxquelles Sienna IM souhaite apporter des financements et comment les sélectionnez-vous ?
Claire Sanson : Nous nous intéressons principalement à trois types d’entreprises à travers notre stratégie d’investissement biodiversité : les sociétés qui offrent des solutions pour agir en faveur de la biodiversité, les entreprises en transition, qui démontrent une capacité à faire évoluer leur modèle (un industriel qui cherche à réduire la pollution de son activité ou un distributeur de produits agricoles, qui cherche à augmenter la part des produits bio commercialisés, par exemple) et les entreprises « best in universe », dont on souhaiterait que les bonnes pratiques diffusent dans leur secteur. Par ailleurs, nous avons adopté une approche multi-sectorielle. Elle nous est permise par l’expérience acquise par les équipes de dette privée au sein de Sienna IM, qui nous offre une bonne capacité d’analyse financière et extra-financière, ainsi qu’un sourcing efficace. Dans le cadre spécifique de notre stratégie biodiversité, nous avons identifié plusieurs secteurs qui nous apparaissent particulièrement pertinents : l’agroalimentaire (avec toute sa chaîne de valeur, la production, la transformation et la distribution), le capital naturel (la forêt,…), l’énergie (le biogaz, l’agrivoltaïsme…), la gestion de l’eau, la gestion des déchets, l’écoconstruction, les alternatives à la chimie et enfin le textile. Dans ces secteurs, nous retenons des entreprises dont l’activité est en phase avec une des trois cibles suivantes de l’accord de Montréal : réduire les pollutions (cible 7), garantir la gestion durable de tous les espaces (cible 10), maintenir et augmenter les contributions de la nature (cible 11). Enfin, nous ciblons des entreprises rentables, affichant un bon track-record, offrant des cash-flows réguliers et apportant des actifs de qualité en tant que collatéral garantissant notre financement. Nous finançons aussi des projets dont les cash-flows projetés permettent un remboursement de notre dette.
Et quelles sont les qualités de GreenPods qui vous ont convaincu de lui apporter un financement ?
Claire Sanson : Outre l’activité de l’entreprise, celle de GreenPods correspond bien à notre recherche d’entreprises apportant des solutions, ses caractéristiques financières et le bon soutien de ses actionnaires, nous sommes très attentifs à la qualité de l’équipe qui porte le projet, sa bonne expérience et sa capacité à s’entourer d’experts. Sur ces différents points, GreenPods répond parfaitement à nos attentes.
Quels sont les atouts de ce financement en dette privée pour GreenPods et comment choisissez-vous vos financeurs ?
Boris Spassky : En premier lieu, nous avions besoin de fonds propres et nous nous sommes tournés vers des partenaires financiers familiaux, susceptibles de nous apporter du capital patient, car régénérer des terres nécessite beaucoup de temps. Pour sa part, le financement en dette présente l’avantage pour le management de ne pas être dilutif. En outre, nous avons apprécié la rigueur du processus d’analyse de Sienna IM, à travers ses due diligences opérationnelles, le KYC, les questions ESG et d’impact, qui nous ont apporté une certaine discipline et permis d’améliorer notre reporting financier comme extra-financier. Et surtout, la société de gestion fait preuve d’une grande souplesse, avec une démarche de financement de projet, tandis que les banques n’offrent pas la même réactivité et ne nous financeraient qu’actif par actif et non pour l’ensemble de nos besoins de développement. Afin que l’agriculture devienne investissable en tant que classe d’actifs, il faut s’inspirer de ce qui a été fait dans les énergies renouvelables et des méthodes du financement de projet, qui consistent à circonscrire un financement au périmètre des actifs. Nous croyons à la notion d’infrastructures vertes.
Comment se matérialise ce financement à impact ?
Claire Sanson : Tous les financements de notre fonds reposent sur des KPI, des objectifs biodiversité. Ces indicateurs doivent être mesurables et bien adaptés à l’activité de l’entreprise (le développement du couvert végétal sur ses terres et l’obtention de labels, par exemple concernant GreenPods). L’atteinte des objectifs peut déclencher jusqu’à une réduction de 50 points de base (maximum) des intérêts de notre financement.
Boris Spassky : Ce financement à impact démontre la force de notre modèle, qui vise à concilier performance financière et environnementale. Il est très stimulant en interne.
Des investisseurs institutionnels accompagnent le déploiement du fonds. Quelle est la maturité des investisseurs sur ce thème de la biodiversité ?
Claire Sanson : Les mutuelles et compagnies d’assurance sont très sensibles à ce sujet de la biodiversité, comme le prouvent notre premier closing et l’intérêt que nous voyons par ailleurs. Les prêteurs comme les emprunteurs gagnent en maturité sur ce thème. L’état d’avancement des réflexions est comparable à celui sur le climat il y a une quinzaine d’années. Aujourd’hui le bilan carbone est devenu une donnée classique. En matière de biodiversité, nous avons recours à un indicateur mesurant pour chaque entreprise le nombre de km² MSA (Mean Species Abundance ou Abondance moyenne des espèces), qui quantifie l’impact des pressions liées à son activité sur la biodiversité. Nous publions ainsi un indicateur agrégé propre à notre fonds.
* Sienna Biodiversity Private Credit Fund est géré par Sienna AM France, société de gestion agréée par l’AMF n°GP97118, membre du groupe Sienna IM.
Le fonds est un Fonds de financement spécialisé destiné exclusivement aux investisseurs professionnels au sens de la Directive MIF II.