
Le raz-de-marée de la mobilité bancaire se fait toujours attendre

Près de cinq mois après l’entrée en application, le 6 février 2017, de l’article 3 de la loi Macron sur la mobilité bancaire, les établissements sont devenus bien taciturnes, y compris les banques en ligne.
Seule Axa Banque a accepté de répondre à la totalité des demandes chiffrées de L’Agefi. Sur les cinq premiers mois de l’année, elle a gagné 16.000 clients par rapport à la même période en 2016 (+8%). Elle a reçu 4.000 mandats de mobilité entrants contre 1.300 mandats sortants.
Pourquoi ce silence des autres établissements? Leader du marché français de la banque en ligne, Boursorama a dit avoir reçu 16.000 demandes les quinze premiers jours puis, déçu d'être jugé «en absolu» et non relativement à ses concurrents mutiques, il a aussi fait vœu de silence. A ce jeu du mistigri avec les clients, on préfère cacher ses cartes.
Vu les banques à qui Boursorama prend des clients, Benoît Grisoni, directeur général adjoint de la banque en ligne, estime qu’«il n’y a pas de disparités par rapport aux parts de marché moyennes: les grands réseaux sont attaqués. […] Mais les chiffres ne semblent pas encore significatifs.»
Une phase de rodage
Pour attirer les déposants, certaines banques ont lancé des réductions spécifiques (Fortunéo, Axa Banque) tandis que d’autres n’ont pas changé leurs offres (ING Direct, La Banque Postale), préférant miser uniquement sur la publicité: «Changer de banque n’a jamais été aussi facile», a souligné ING Direct dans une campagne 360°.
Les conseillers ont été formés à présenter le nouveau dispositif. Au Crédit Mutuel Arkéa, la mobilité encouragée a ainsi été supérieure à la mobilité spontanée: «Nous comptons plus de mandats signés en agence, indique la direction commerciale. Lorsqu’un nouveau client souscrit un crédit, lorsqu’un couple a un compte joint dans un autre établissement, nous leur proposons la mobilité. Le mécanisme dédramatise le changement de banque.»
En réalité, changer de banque s’est avéré plus difficile que prévu. «La mise en œuvre de la mobilité bancaire automatique, défi technique très important dans une période restreinte, a connu quelques difficultés pendant cette phase de rodage», souffle Benoît Grisoni, évoquant «des blocages du système, des opérations qui n’apparaissent pas… Certains cas n’étaient pas prévus par le texte de loi».
Mobilité «à la carte»
Principal pépin: «La mobilité totale est parfois techniquement impossible, s’exclame-t-il. Beaucoup de clients ont signé une obligation de domiciliation des revenus, pour un crédit immobilier par exemple, et ne s’en rappellent pas, voire n’en avaient pas conscience.»
Boursorama a donc promu le principe de «mobilité à la carte» permettant de sélectionner les prélèvements et virements automatiques pour lesquels changer de domiciliation. «On enlève un frein psychologique», justifie le dirigeant. Deux tiers des nouveaux clients ont opté pour la mobilité totale et un tiers pour la mobilité à la carte. L’établissement a coupé l’herbe sous le pied de certains concurrents qui n’avaient pas envisagé ce cas de figure puisque l’esprit initial du mécanisme était de transférer la totalité des opérations récurrentes. D’ailleurs, Axa banque a choisi «à ce stade, de ne proposer que la mobilité complète».
Au Crédit Mutuel Arkéa, la mobilité totale représente 80% et la mobilité partielle 20%. Le mutualiste a accueilli plusieurs milliers de nouveaux clients et sa mobilité entrante a doublé sur les cinq premiers mois de 2017 par rapport à la même période en 2016.
Des stratégies défensives
Les établissements ont aussi mis en place des stratégies défensives. Prenant acte de la mobilité partielle, le LCL a demandé à ses clients sur le départ s’ils souhaitaient vraiment fermer leur compte ou seulement transférer certaines opérations. La Banque Postale a «fait le choix d’appeler tous ses clients ayant signé un mandat chez un concurrent, afin de s’assurer que le client était bien à l’origine de la demande, pour comprendre les raisons de son départ et, surtout, faire le point sur tout le reste de sa relation» (épargne, crédit, assurances et services à la personne).
«Les problèmes ont plus souvent lieu du côté de la banque de départ, note Benoît Grisoni. Même si elle affiche un code de rejet donné, nous ne pouvons pas corriger des problèmes qui ne sont pas chez nous. Et parfois, les cas sont bloqués pour des raisons dont nous n’avons pas connaissance.» Pour le client, peu de marge de manœuvre si ce n’est «contacter le médiateur de la banque ou bien recommencer la demande de mobilité: si ça n’a pas marché il y a un mois, ça peut fonctionner aujourd’hui», indique le responsable.
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