La réforme du droit français des marques élargit leur protection

Suite à la transposition d’une directive européenne, l’INPI accepte désormais le dépôt de marques sous forme de fichiers audio ou vidéo.
Yves-Marc Le Réour
l’Institut national de la propriété industrielle (INPI). brevets
Le dépôt de marque auprès de l’INPI peut maintenant prendre la forme de fichiers MP3 ou MP4.  -  photo INPI.

Après un statu quo de presque trente ans, le droit français des marques vient d’être remanié en profondeur avec la récente transposition d’une directive européenne du 16 décembre 2015 visant à rapprocher les législations des différents Etats membres. «Ces changements, qui concernent à la fois les mesures de droit matériel et les procédures applicables, auront une influence sur la stratégie de dépôt et de défense du portefeuille de marques de entreprises», soulignaient les avocats de Norton Rose Fulbright lors d’une réunion organisée la semaine dernière sur le sujet.

La spécificité de la marque est d’être le seul droit de propriété intellectuelle pouvant faire l’objet d’une protection indéfinie dans le temps, moyennant un renouvellement tous les dix ans.

La principale modification sur le fond concerne la représentation graphique, qui constituait avant la réforme le seul signe distinctif susceptible d’être déposé en tant que marque auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI). La réforme allège cette exigence car il suffit dorénavant que ce signe puisse «permettre à toute personne de déterminer précisément et clairement l’objet de la protection confiée à son titulaire», stipule le nouvel article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle. Il devient ainsi possible de protéger des marques sonores (refrains publicitaires) ou des marques de mouvement (animations vidéo) sous forme de fichiers MP3 ou MP4. La France et l’Union européenne interdisent toujours le dépôt de marques olfactives, gustatives ou tactiles faute de supports adéquats.

Parmi les nouveaux motifs de refus d’enregistrement ou d’annulation, la prise en compte d’une «marque renommée» permet d’étendre sa protection à des secteurs différents de ceux pour lesquels elle a été déposée. Une action en contrefaçon est désormais possible en cas d’atteinte à ce type de marque, alors que la sanction potentielle passait auparavant par une action distincte en responsabilité civile pour concurrence déloyale.

En termes de procédure, la possibilité de formuler des observations écrites auprès du directeur de l’INPI pour un enregistrement s’étend à «toute personne, même si celle-ci n’a pas d’intérêt à agir». La procédure d’opposition prend en compte de nouveaux droits opposables comme un nom commercial, une enseigne dont la portée dépasse le cadre local ou un nom de domaine. Il est désormais possible d’invoquer plusieurs droits antérieurs dans une même procédure. Le calendrier de cette procédure a en outre été resserré, afin de permettre à une entreprise d’être fixée le plus tôt possible sur le sort d’une demande d’enregistrement.

Compétence pour les déchéances et nullités

Par ailleurs, l’INPI est désormais compétent pour les demandes en déchéance ou en nullité à titre principal notifiées au titulaire de la marque. Ces procédures devront respecter le principe du contradictoire et la partie perdante pourra être condamnée à payer une somme forfaitaire. Le tribunal judiciaire reste le seul interlocuteur pour des actions en nullité fondées sur le droit d’auteur ou de la personnalité. Ce dernier devra aussi être saisi pour des demandes en déchéance ou en nullité liées à des actions en contrefaçon, en concurrence déloyale ou à une demande reconventionnelle. Contrairement aux précédentes mesures entrées en vigueur en décembre dernier, les nouvelles procédures de nullité et de déchéance s’appliqueront à compter du 1er avril 2020.

La réforme s’accompagne d’une modification des taxes officielles perçues par l’institut lors du dépôt ou du renouvellement d’une marque. En plus d’une brève description de ses caractéristiques, la demande d’enregistrement doit indiquer les classes correspondant aux produits et services qui seront protégés contre d’éventuels actes de contrefaçon. Pour chacune des 45 classes existantes, il existe des sous-catégories qui permettent d’affiner les domaines d’activité couverts.

Hausse des tarifs

L’entreprise devait auparavant s’acquitter d’une taxe uniforme de 210 euros pour protéger jusqu’à trois classes de marque et payer 42 euros par classe supplémentaire. Depuis le 11 décembre 2019, ce barème est devenu progressif (190 euros pour une classe, 230 pour deux classes, 270 pour trois classes et 40 euros par classe supplémentaire). Pour un renouvellement, la hausse du coût est encore plus nette puisque le prix de 250 euros, qui couvrait au maximum trois classes, est remplacé par une taxe de 290 euros pour la première, 330 euros pour deux classes et 370 euros pour trois classes. Dans une procédure d’opposition, l’entreprise doit désormais régler 400 euros plus 150 euros par droit supplémentaire, contre un prix forfaitaire de 325 euros auparavant.

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