La crise rend l’analyse des crédits bancaires plus complexe

Exclusif - KPMG compare 17 grandes banques européennes depuis 15 ans. La pandémie les a bousculées, mais montre aussi la nécessité d’adapter certaines règles et normes.
Sylvie Guyony
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La crainte sur le risque de crédit réside dans un éventuel « effet falaise » pouvant entrainer des défaillances de débiteurs en chaine.  -  Crédit Fotolia.

Dans le contexte exceptionnel de crise sanitaire, pour la 15e édition de son étude « Défi pour la transparence » portant sur les 17 principaux groupes bancaires européens, KPMG France a « apporté une attention particulière à l’information donnée concernant le risque de crédit, la résilience en matière de fonds propres et de liquidité, expliquent Sylvie Miet, associée responsable du département règlementation bancaire et Marie-Christine Jolys, associée banque. Nous avons aussi approfondi l’analyse des enjeux de la finance durable et nous nous sommes attachés à identifier l’impact de la pandémie sur la communication ESG (critères environnementaux, sociétaux et de gouvernance, ndlr). Nous avons par ailleurs recensé les différentes initiatives lancées par la Banque centrale européenne (BCE) afin de soutenir l’économie. »

Les 17 rapports annuels (2020) analysés et retraités des évolutions du périmètre par six de ses experts, montrent sans surprise une « baisse globale de la performance financière», avec un « coût du risque de crédit non avéré en forte augmentation, essentiellement sur les contreparties corporate » et une « rentabilité opérationnelle disparate malgré l’amélioration de l’efficacité opérationnelle », sur trame de crise liée à la pandémie mais aussi de « politiques toujours accommodantes des banques centrales pesant sur la marge d’intérêt ».

Coût du risque multiplié par 2,39 en 2020

Le coût du risque des grandes banques européennes a ainsi été affecté l’an dernier d’un facteur multiplicateur moyen pondéré de 2,39 par rapport à 2019 (2,18 pour les six banques françaises). Les modèles comptables IFRS 9, conçus dans une période de coût du risque extrêmement bas, « ont été mis à l’épreuve dans un contexte de crise atypique », constate KPMG France. Dans la répartition des encours de prêts et créances, en 3 « stages » (sains, sains dégradés et en défaut), la part de stage 2 est passée en moyenne de 7,01 % en 2019 à 9,78 % – croissante dans 15 des 17 banques du panel, et de façon significative (plus de 4 %) chez HSBC, La Banque Postale, Lloyds Banking Group, Société Générale et UniCredit. « Cette forte augmentation est principalement liée à la détérioration de la qualité de crédit des contreparties et à des déclassements de portefeuilles réalisés par les établissements, en particulier dans les secteurs les plus touchés par la pandémie tels que l’hôtellerie, le transport et le commerce de détail », précise KPMG.

Nouvelle définition du défaut

La nouvelle définition réglementaire du défaut, obligatoire depuis le 1er janvier, ne pourra que rendre l’analyse des portefeuilles plus complexe en 2021. Les effets de la pandémie se font pleinement sentir cette année, touchant les modèles macroéconomiques de base avec des divergences à moyen / long terme importantes entre établissements. Il faudra aussi « mesurer le risque de crédit sous-jacent temporairement réduit par les afflux de liquidité », souligne KPMG, et par les mesures de soutien nationales d’une ampleur sans précédent. L’an dernier, le ratio coût du risque / prêts & créances au coût amorti a enregistré une progression importante de 32 points de base en moyenne, selon les calculs de KPMG. Le défi pour la transparence est d’autant plus important que les cessions de portefeuilles de prêts non performants (NPL), entreprises l’an dernier par huit banques dont BNP Paribas, BPCE ou Crédit Mutuel Alliance Fédérale, va se poursuivre.

La crainte sur le risque de crédit réside dans un éventuel « effet falaise » pouvant entrainer des défaillances de débiteurs en chaine, lorsque les mesures de soutien à l’économie vont disparaitre. KPMG reste toutefois optimiste. D’une part pour les grands groupes français dont « le modèle de banque universelle, présent dans la banque de détail, la banque d’investissement et même l’assurance, a assuré une stabilité » jusqu’à présent. D’autre part pour le secteur en Europe puisque le superviseur a allégé momentanément certaines dispositions en raison de la pandémie, notamment en rendant possible le relâchement de coussins de fonds propres, mais aussi en recommandant de ne pas distribuer de dividendes, ou à les limiter (jusqu’au 30 septembre 2021). Les grandes banques européennes devraient ainsi pouvoir répondre favorablement aux exigences réglementaires et soutenir le financement de l’économie réelle. Plusieurs ont néanmoins amendé leurs objectifs ou, tel UniCredit ou Lloyds, reporté la publication d’un nouveau plan stratégique - au début de l’année 2022 pour BNP Paribas. L’incertitude à moyen-long terme persiste.

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