
Gros profits bancaires, grandes responsabilités

Profits géants du CAC 40, distribution généreuse de dividendes aux actionnaires… La saison de publication des résultats annuels ne manque pas de relancer l’éternel débat sur la juste rémunération du capital et du travail. Le contexte s’y prête, entre surenchère électorale et poussée d’inflation. Deux secteurs en particulier risquent de passer une fois encore pour des « profiteurs de la crise » selon la formule du parti La France Insoumise : les valeurs pétrolières, qui bénéficient du rebond des cours de l’or noir à l’heure où les prix à la pompe s’envolent, et, bien sûr, les banques.
Parce qu’aucun Français ne peut s’en passer, le secteur bancaire a le douloureux honneur d’être considéré comme un service public – entendez, délié de toute exigence de rentabilité. Lors de la crise des Gilets jaunes, l’Elysée lui avait prescrit un gel des tarifs pour contribuer à acheter la paix sociale. C’est de leur plein gré que les banques ont ensuite participé à la nationalisation de l’économie française au démarrage de la pandémie de Covid, au nom d’un intérêt bien compris, la survie d’un système dont elles sont le pilier. Leurs salariés, en première ligne durant les confinements, ont déployé les prêts garantis par l’Etat qui ont offert une bouffée d’oxygène au tissu économique.
Les résultats de cette opération de « portage », comme la qualifiait alors le patron du Crédit Agricole Philippe Brassac, ont dépassé les espérances. Avec des niveaux de faillites et donc un coût du risque anormalement bas, les établissements de crédit peuvent passer eux aussi pour des bénéficiaires de la crise, d’autant que leurs activités de marché et de gestion d’actifs ont surfé sur les vagues des relances monétaires et budgétaires à tout crin. Pour ne rien gâter, il y a longtemps que les perspectives du secteur n’avaient paru aussi souriantes. Le tour de vis réglementaire imposé par la crise financière touche à son terme. La remontée des taux d’intérêt, dont l’impact sur les profits reste complexe à évaluer, offre un soutien appréciable. Partout en Europe, les grandes banques relèvent leurs dividendes et découvrent les joies des rachats d’actions.
Il faut y voir avant tout un effet de rattrapage, tant leurs actionnaires ont été sevrés de bonnes nouvelles depuis dix ans. La rentabilité, en hausse, se compare à un coût du capital encore supérieur, ce qui revient à détruire de la valeur. Leurs concurrentes américaines, assises sur un marché captif, continuent à jouer dans une autre cour. La disruption technologique n’a pas disparu. Mais ces subtilités échappent au tout-venant, et la proposition de loi d’un groupe de députés pour abaisser les frais, rejetée début février à l’Assemblée, appellera d’autres initiatives de ce type. Au moment même où leur horizon semble s’éclaircir, les banques vont devoir plus que jamais s’expliquer sur leur utilité et leur rôle de financeur des transitions énergétiques ou sociétales. Parce que de grands profits entraînent de grandes responsabilités.
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