
Etudes : les cursus en finance font leur éco-transition

Trois quarts des étudiants en finance réclament une meilleure intégration des enjeux de la transition écologique dans leurs cursus. C’est ce que souligne l’étude Former à une finance écologique publiée en juin par WWF France et le collectif « Pour un réveil écologique ». Le collectif est né en 2018, suite à un manifeste du même nom, initié par des étudiants de grandes écoles (HEC Paris, AgroParisTech, CentraleSupélec, l’Ecole Polytechnique et l’ENS Ulm). Il a été signé par plus de 35.000 étudiants français et européens qui revendiquent le fait de ne plus vouloir travailler pour des entreprises qui ne soient pas engagées dans la transition écologique. Une donne qu’il devient difficile d’ignorer pour les cursus en finance.
Une offre autour de la finance durable s’est structurée récemment dans des cours électifs et des masters of science (Msc) dans plusieurs écoles et répond à une demande. « Nous lançons régulièrement des spécialités de dernière année, et le master of science finance durable et fintech est celui qui a attiré le plus gros volume d’étudiants dès son ouverture », constate Denis Boissin, directeur du programme grande école de Skema. La demande est aussi poussée par les employeurs. « La Banque Postale Asset Management a annoncé il y a peu son objectif de décarboner ses activités, il y a de plus en plus d’activités dans le secteur, les étudiants ne manquent pas d’opportunités pour s’insérer », illustre Luis Reyes, directeur du Msc sustainable finance de Kedge. « La demande s’est considérablement accélérée pour des profils qui maîtrisent la décarbonation des portefeuilles et les critères ESG (environnement, social, gouvernance) », confirme Laurent Deville, directeur de la filière finance de l’Edhec, qui propose un Msc climate change & sustainable finance avec Mines ParisTech depuis 2020.
Structures spécialisées
Certains établissements d’enseignement supérieur peuvent s’appuyer sur leur antériorité. « En 2011, j’ai coordonnée l’écriture d’un livre sur la finance durable et notre observatoire international de la finance durable existe depuis 2012. Le master of science s’appuie sur une légitimité historique et scientifique », avance Dhafer Saïdane, directeur du master of science finance durable et fintech de Skema. « Il faut aller au-delà de l’image », insiste Laurent Deville, qui explique avoir déjà recruté deux enseignants-chercheurs dans le domaine de la finance climatique. L’Edhec s’appuiera aussi, à partir de la prochaine rentrée, sur un centre de recherche sur ce sujet. Les établissements peuvent aussi compter sur les structures qui se spécialisent dans le domaine. « Nous avons engagé des discussions avec le collectif Pour un réveil écologique, le Shift Project, ou Finance for Tomorrow, avec l’objectif de créer des liens solides », indique Luis Reyes, de Kedge.
Le Shift Project, think tank présidé par Jean-Marc Jancovici, fondateur du cabinet de conseil sur les enjeux énergétiques et climatiques Carbone 4 (lire aussi page 24), œuvre à travers des groupes de travail et des actions de lobbying pour la transition énergétique. L’association est en train de mener un travail sur la formation des acteurs de l’économie de demain* et a publié un premier rapport sur le sujet au mois de mai. Quatre écoles de commerce sont associées et Audencia est partenaire du projet. L’école nantaise développe depuis 2004 une démarche transversale sur les sujets de transition. Elle a établi en 2010 un partenariat, toujours actif, avec le WWF pour intégrer le développement durable dans l’ensemble du programme. « Nous avons été parmi les premiers dans l’enseignement supérieur à dire que nous avions un rôle à jouer pour transformer les entreprises, non pas en créant un master en développement durable ou en RSE (responsabilité sociétale des entreprises), mais en transformant l’ensemble des formations », avance André Sozk, délégué général RSE, titulaire de la chaire Impact positif #TogetherForGood à Audencia. L’école de commerce souhaite que 80 % de ses cours contribuent à un objectif de développement durable. Les recrutements sont orientés vers les enseignants qui mènent des travaux sur la transition écologique.
Compétence professionnelle
Une approche de long terme, qui doit aussi convaincre les étudiants. « Certains restent sceptiques, ils ont investi dans une école de management pour trouver un travail dans la finance et se demandent si les grandes banques seront intéressées par ces profils. Aussi nous faisons intervenir sur ces questions non seulement des ONG mais également des grands acteurs de la finance. Pour que des financiers leur expliquent qu’il s’agit bien d’une compétence professionnelle, pas d’une idéologie ou d’un positionnement politique », reprend André Sozk. « Les étudiants ne font pas toujours le lien : pendant des années, il y a eu d’un côté des professeurs très calés sur les outils financiers, de l’autre des professeurs de RSE. Mais il y a des progrès, à la faveur du nécessaire financement de la transition et de la réglementation financière », analyse José Maillet, professeur à Audencia, expert en transition énergétique et RSE et responsable de Gaïa. Celle-ci est une école dédiée à la transition, qui fera sa rentrée en septembre avec 200 étudiants. Ils pourront par exemple y suivre un cours sur le calcul de l’impact des systèmes financiers sur la biodiversité, ou sur le financement du futur, basé sur les scénarios du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec).
L’adaptation des cursus en finance dans les établissements d’enseignement supérieur est en cours et deviendra peut-être obligatoire. Un rapport remis en février 2022 par le climatologue Jean Jouzel au ministère de l’Enseignement supérieur préconise l’enseignement de la transition écologique pour tous les étudiants, dès le niveau bac+2.
*ClimatSup Business, Former les acteurs de l’économie de demain, Shift Project et Audencia. Pour aller plus loin, l’étude de WWF France et « Pour un réveil écologique » dans la version digitale de L’AGEFI HEBDO www.agefi.fr
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