
Assurance-emprunteur, la dangereuse surenchère

Quel beau dossier politique que le libre-choix de l’assurance-emprunteur ! Le sujet marie la passion des Français pour la propriété immobilière, la défense du pouvoir d’achat, la lutte contre les discriminations, tout en faisant le procès d’un secteur bancaire qui ne l’a pas volé. Rien d’étonnant dès lors à ce que, depuis 2010, les projets de lois s’empilent pour ouvrir davantage le secteur à la concurrence. Xavier Bertrand, candidat à la candidature présidentielle et ancien agent général, s’est montré dès septembre favorable à ce que l’on puisse changer à tout moment d’assureur. Bruno Le Maire a pris le relais en saluant l’adoption, par les députés, d’un amendement de la majorité permettant cette résiliation infra-annuelle.
Deux camps s’opposent depuis des années. D’un côté, les réseaux bancaires traditionnels, qui ont fait de l’assurance-emprunteur leur poule aux œufs d’or à mesure que leurs marges sur le crédit s’érodaient. De l’autre, les purs assureurs dits alternatifs, souvent mutualistes, qui tentent de faire sauter le verrou. Malgré les tentatives successives du législateur, les premiers contrôlent encore l’essentiel du marché en vendant à la fois le crédit et sa garantie. Pour l’emprunteur qui cherche à sécuriser son projet immobilier, l’octroi d’un prêt passe avant tout. Et si la concurrence a permis de modérer les tarifs, les banques montrent encore peu de zèle à substituer leurs contrats lorsque leurs clients le leur demandent. Difficile, dans ces conditions, de contester la logique d’une résiliation à tout moment.
Puisque la pression s’accroît, le Crédit Mutuel Alliance Fédérale pense avoir trouvé la parade en annonçant la suppression du questionnaire médical avant l’octroi d’un crédit à ses clients fidèles. Un contre-feu à la résiliation infra-annuelle, d’une habileté redoutable. Plutôt que la liberté, vive l’égalité et la fraternité : plus question de « discriminer » les emprunteurs selon leur état de santé, affirme le groupe coopératif. En déplaçant le débat, le mutualiste soigne son image auprès des associations de malades et flatte la fibre sociale des politiques – un amendement sénatorial veut lui aussi créer des contrats inclusifs, sans critère de santé synonyme de surprime.
Si elle se généralisait, la suppression de la sélection médicale priverait les assureurs alternatifs d’un outil d’analyse essentiel, eux qui ne disposent pas, à l’inverse des banques, de données quotidiennes sur leurs clients. Séduisante sur le papier, elle opposerait pourtant bien plus que deux familles du secteur financier. Une mutualisation totale, sans primes différenciées ni contrôles à l’entrée, ouvrirait la voie à une socialisation de l’assurance-emprunteur, alors que le métier d’une compagnie privée consiste justement à évaluer, tarifer et choisir ses risques. Au moment où la profession voit certains de ses territoires menacés de nationalisation, comme la complémentaire santé avec l’idée de « grande Sécu », peut-elle se permettre d’ouvrir une autre boîte de Pandore ?
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