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Chamboule-tout sur le marché du capital-investissement

Au cours des dix dernières années, le nombre de fonds de private equity a quadruplé et la taille de ces derniers a doublé. Sur la période 2011-2021, la performance des sociétés de LBO (rachat avec effet de levier) a été portée par des facteurs combinés très favorables : leviers d’acquisition élevés, taux d’intérêt anormalement bas, forte capacité d’expansion des multiples, possibilité pour les sociétés cibles de racheter d’autres sociétés, participant ainsi à faire croître l’ensemble plus vite, à le faire bénéficier de synergies et d’économies d’échelle et, in fine, à le faire prétendre à des multiples supérieurs.
Il n’échappe à personne que ces éléments porteurs se sont aujourd’hui largement taris avec le retour de l’inflation et la remontée des taux. Le LBO ne va pas disparaître mais il va se restructurer et se consolider. Il n’y aura pas de place pour tout le monde.
Création de valeur by design
Parmi les fonds qui tireront leur épingle du jeu, ceux bénéficiant d’une vraie expertise en matière d’acquisition – pour ne pas surpayer les cibles à l’entrée et pouvoir réaliser des opérations de croissance relutives – et en matière de création de valeur avec un accent mis sur la croissance organique du chiffre d’affaires, l’amélioration de la rentabilité et l’optimisation des liquidités. Ce sera sans doute l’âge d’or des «operating partners» et des experts capables de concevoir des plans de création de valeur solides dès l’amont de la transaction.
Les autres gagnants seront les fonds «multi-stratégies» d’envergure internationale. Ces dernières années, ces «fonds phares» ont capté la majeure partie des levées via des véhicules à la taille colossale, à l’image du dernier fonds de CVC bouclé à 26 milliards d’euros. Or, peser lourd en termes d’actifs sous gestion sera plus que jamais vital pour les fonds afin d’assurer leur équilibre économique et la rationalisation de leurs coûts de structure (ou d’infrastructure) dans un contexte où leurs investisseurs mettent la pression sur les frais de gestion et sur les commissions de surperformance et où certains créent même en interne leurs propres équipes d’investissement pour entrer directement au capital des sociétés en portefeuille.
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Par ailleurs, ces sociétés multiplient les cordes à leur arc avec l’intégration de nouvelles activités – tech, immobilier, infrastructure, dette privée, en complément des activités traditionnelles. Diversifiées en termes d’actifs et de géographies, elles sont de facto moins soumises aux soubresauts conjoncturels et aux cycles.
Vae victis
Et les autres fonds dans tout cela ? Ils devront faire face à plusieurs tendances négatives. D’abord, les sociétés de LBO traditionnel vont avoir beaucoup de mal à maintenir leur niveau de performance passé, les conditions de financement étant moins favorables et la dynamique macro-économique clairement moins porteuse (faible croissance, marges impactées malgré l’accalmie relative de l’inflation).
S’ajoutera aussi la problématique de la suite de l’histoire pour beaucoup de ces plus petites structures.
Certaines successions pourraient se solder par une vente à un concurrent plus imposant. Il faudra alors définir une valeur d’entreprise et un prix d’acquisition. Une mission délicate quand on sait que ces sociétés reposent sur un très fort capital humain et qu’il existe un risque de voir les meilleurs talents quitter le navire avant une cession éventuelle.
Si le phénomène de consolidation du secteur a déjà commencé, il devrait considérablement s’accélérer a fortiori si la «stagflation» persiste, éloignant la perspective d’une baisse durable et forte des taux d’intérêt. Alors, accrochons nos ceintures, le mercato du private equity devrait connaître de fortes turbulences à moyen et même à court terme.
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