
L’épreuve de vérité du capital-investissement

Chaque pic du marché du capital-investissement a sa transaction emblématique des excès du moment. Le rachat de la division d’ascenseurs de ThyssenKrupp par les fonds Advent et Cinven est bien placé pour jouer ce rôle en 2020, en raison de son prix et du niveau de dette manifestement excessif qu’il comportait. Personne n’avait vu venir la pandémie et l’ampleur du choc récessif, mais chacun était prévenu du virage dangereux que prenait depuis plusieurs trimestres le monde du private equity. Valorisations soufflées, leviers trop élevés dans les gros LBO (leveraged buy-out), prêteurs peu regardants, indicateurs de gestion biaisés, comme ce fameux « Ebitda ajusté » que Warren Buffett et son vieux complice Charlie Munger couvrent d’opprobre… : la liste est longue des feux passés à l’orange ou au rouge vif. Pour certaines équipes, l’heure du retrait de permis a sonné.
Le non-coté a pour lui cet avantage de n’être pas soumis directement à la volatilité des indices boursiers. Le temps long lui permet de lisser dans la durée l’effet d’une récession sur les portefeuilles, avec l’espoir d’un retour à meilleure fortune au moment de la vente, seul juge de paix qui vaille pour l’investisseur (lire L’Enquête page 26). Et l’industrie, c’est vrai, en a vu d’autres. La grande crise financière a opéré une sélection naturelle entre les gérants, offert des opportunités à l’achat fameuses pour les plus intrépides, et installé dans le paysage des mastodontes de la gestion alternative, pour l’essentiel américains. Cette fois encore, le secteur ne part pas à la bataille sans munitions. Le soutien massif des autorités budgétaires et monétaires a évité l’assèchement complet des sources de financement pour les entreprises notées en catégorie spéculative. Dans un monde de taux zéro, l’attrait des investisseurs pour la classe d’actifs restera aussi vif qu’avant l’apparition du Covid-19.
Le crash test auquel sont soumis les portefeuilles de private equity s’annonce cependant redoutable. Par la violence du choc, qui accélère la rupture, voire la disparition, de certains modèles économiques. Par la remise en cause, aussi, d’une industrie dont les modus operandi et l’utilité sociale seront plus fortement contestés qu’en 2008. L’usage massif de la dette pour gonfler les rendements est le plus sûr moyen de faire verser l’entreprise dans le fossé au premier dérapage. La responsabilité des « sponsors » a déjà commencé à être pointée du doigt, au travers des conditions attachées aux prêts garantis dans certains Etats. Elle le sera davantage encore cet été et à la rentrée, lorsque la casse économique et sociale rythmera l’actualité. Elle concentrera les critiques, enfin, en raison de la fiscalité avantageuse du carried interest de ses gérants, un sujet devenu aux Etats-Unis l’objet de joutes politiques récurrentes. D’ici là, le capital-investissement n’a qu’une chose à faire : justifier son nom en déployant dans ses participations la « poudre sèche » des fonds levés ces dernières années.
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