
La French Tech traverse la première crise de son histoire

Erigée comme le symbole du renouveau économique français, la French Tech est aujourd’hui confrontée à la plus grande crise de sa jeune histoire. Le microcosme des start-up tech tricolores, qui évoluent sous la bannière de ce label depuis 2014, doit composer avec un problème majeur : le tarissement des sources de financement – scénario impensable il y a encore un mois. Car une partie non négligeable des fonds de capital-risque a levé le pied pour tenter de mieux appréhender la profondeur de la crise provoquée par le coronavirus.
«Notre statut d’investisseur averti nous impose d’investir en ayant une vision complète des enjeux, or nous sommes actuellement dans l’œil du cyclone. Il n’y a pas plus difficile que de prendre des décisions dans un présent ininterprétable», confie Julien-David Nitlech, managing director chez Iris Capital. Le fonds de venture capital (VC) a donc pris la décision de ne pas réaliser de nouveaux investissements tant que la situation ne sera pas stabilisée. Un gain de temps bénéficiant au suivi des sociétés en portefeuille, dont les situations sont – comme chez ses homologues – parfois délicates. «Nous sommes attentifs à leur ligne de vie. Nous devons intervenir au cas par cas pour travailler sur l’optimisation du cash existant, et si besoin solliciter le soutien de Bpifrance», explique l’investisseur. A ce titre, l’imposant dispositif de la banque publique présenté le 16 mars en matière de prêts et de reports de charge est plébiscité par l’ensemble de la profession, qui craint cependant des délais de traitement trop longs. Car les niveaux de trésorerie inquiètent. La nature même de ces jeunes pousses, non rentables, les rend très perméables aux conséquences d’un violent retournement cyclique. Même si nombre d’entre elles témoignent d’une agilité importante, avec la capacité de réduire rapidement la voilure.
Difficile arbitrage
Dans cet environnement tumultueux, une certitude émane des sociétés suivies par les professionnels du capital-risque. Toutes ne passeront pas la crise. «Ce type d’événement majeur présente l’avantage d’accélérer la mortalité des start-up dont les fondamentaux ne sont pas suffisamment solides», relève un investisseur. Des perspectives peu réjouissantes et de nature à ralentir les investissements des capital-risqueurs, même si certains d’entre eux se targuent d’être encore «open for business».
Dans les faits, certaines jeunes sociétés de gestion ont adopté ce discours faute de pouvoir faire autrement. L’absence d’investissement dans le cadre d’un premier fonds peut en effet s’avérer létal pour une structure naissante. Qui plus est, le timing des levées des véhicules d’investissement n’est pas sans conséquence. «Les VC ayant récemment levé des fonds sont dans une logique d’investir de manière agressive. Plusieurs d’entre eux nous ont expliqué ne pas pouvoir se permettre de perdre un cycle d’investissement, explique Joy Sioufi, executive director chez GP Bullhound. Les fonds écrivent leur performance sur des durées de cinq à sept ans et sont capables de ne pas attendre les chiffres de 2020 pour investir. Ce type de démarche plaît aux entrepreneurs, alors plus à même de faire des efforts sur la valorisation et la dilution.»
Si tant est que les patrons de start-up aient encore un pouvoir de négociation dans la détermination du prix de leur pépite. Car tous s’attendent à observer un recul des valorisations lors des levées qui pourraient être réalisées au cours du deuxième semestre. Un changement de paradigme complet, alors même que les perspectives de développement à l’international des membres de la French Tech restent inchangées. «La secousse que nous vivons va forcément avoir un impact sur les valorisations. Mais la priorité est de continuer à maintenir les paiements entre entreprises pour ne pas tomber dans une corona-économie», note Benjamin Bitton, associé chez 2CFinance.
Dans le secteur des fintech, la chute des comparables cotés américains est sans précédent. Selon les données de l’américain FactSet, leur cours de Bourse avait en moyenne bondi de près de 50% en l’espace d’un an (soit davantage que les valeurs du Nasdaq et du S&P500), avant de s’effondrer en février et mars pour, au final, afficher une baisse de 8% sur douze mois glissants. Mais de l’avis de GP Bullhound, le secteur reste encore très prometteur, en particulier dans le domaine des paiements virtuels ou bien encore de l’optimisation des financements. Le contexte devrait aussi être porteur pour les jeunes pousses de l’entertainment, des médias et de l’univers du jeux vidéo. En cela, la sélectivité pourrait devenir le nouveau leitmotiv des VC, au grand dam de la French Tech.
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