
La dichotomie persiste sur le marché des prêts LBO

Malgré la pandémie de Covid-19, le marché de la dette LBO n’a pas tiré sa révérence. Sur le Vieux Continent, les prêteurs continuent bel et bien d’alimenter les opérations de capital-transmission et de refinancement. Mais la dichotomie observée depuis le début de la crise reste toujours aussi prégnante. Il y a deux semaines, le producteur français d’ingrédients alimentaires Solina – soutenu par Ardian depuis cinq ans – a ainsi ajouté à sa structure de financement un add-on de dette senior de 120 millions d’euros, sur la base d’une faible marge de 425 points de base (pb). Cela en affichant un prix d'émission (original issue discount, OID) de 99,5%. Le prêt alimenté par CA CIB et Natixis avait permis de financer le rachat du britannique Bowman Ingredients, spécialisé dans les chapelures et marinades pour les transformateurs de viandes, de poissons et de légumes. Un dossier figurant nettement dans le haut du panier, tout comme celui de Colisée. Lors de son LBO à plus de 2,2 milliards d’euros, réalisé début septembre, le groupe d’Ehpad a pu compter sur un financement senior de près de 900 millions accordé par Barclays, Credit Suisse, BNP Paribas et Société Générale, affichant également une marge de 425 pb et un OID de 99,5%.
A contrario, certains dossiers large cap passent avec beaucoup plus de difficultés. Le réseau de crèches d’entreprises et de collectivités Babilou en a fait l’amère expérience cet été, lors de l’entrée à son capital d’Antin Infrastructure Partners. «L’Ebitda présenté avait été clairement gonflé et la notation de l’entreprise, B- et B2, était insuffisante », estime un banquier. Le plan initial prévoyait un package de dette senior de 425 pb et un OID de 98%, mais face au manque d’appétit du marché, la marge a dû grimper à 500 pb et l’OID a dégringolé à 95%.
Difficile de bien se financer avec une notation B- B2
«Il est aujourd’hui difficile d’obtenir des financements attractifs sur une base de notation B- B2, voire quasiment impossible si l’émetteur ressort à B- B3», constate Philippe Charbonnier, managing director chargé du debt advisory chez Natixis Partners. Or le nombre d’émetteurs tombant dans ces catégories de rating s’avère plus important que par le passé. Depuis juin, la proportion d’émetteurs affichant une note Fitch inférieure à B a dépassé 50% dans la zone EMEA. Une inflation plus particulièrement liée à l’accroissement des émetteurs figurant sous la barre de B-, lesquels représentent depuis le printemps près de 20% du total. Selon Fitch, ce niveau n’avait pas été atteint depuis septembre 2009. Dans ce contexte, les secteurs de la santé, de la tech ou bien encore de l’agroalimentaire tirent leur épingle du jeu.
La prudence des prêteurs s’observe aussi sous le spectre des clauses contractuelles (covenants). Sur les neuf premiers mois de l’année, l’agence de notation observe sur le marché primaire tricolore une recrudescence de loans dotés de documentations bancaires incluant des clauses complètes, full set covenants. Sur cette période, un peu moins de 20% des prêts y sont assujettis, alors qu’aucun deal ne l’était en 2018 et 2019. Au Royaume-Uni, les documentations intégrant des full set covenants n’ont pas encore refait leur apparition cette année, mais les conditions se sont légèrement durcies. Les loans estampillées cov-loose, qui représentaient entre 10 et 20% des émissions entre 2017 et 2019, ont en effet disparu du marché au profit des prêts cove-lite, moins permissifs. Des conditions qui devraient continuer à se durcir au cours des prochains mois, notamment en France où le début des remboursements de prêts garantis par l’Etat devrait provoquer davantage de renégociations.
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