
Comexposium reste écartelé entre ses actionnaires et créanciers

La situation ne s’arrange pas chez Comexposium. En attendant un hypothétique redressement de l’activité au quatrième trimestre, l’organisateur du Salon de l’agriculture et de la Foire de Paris reste embourbé dans un conflit larvé entre ses actionnaires et ses créanciers. Predica, qui s’est offert la moitié du capital en 2019 pour figurer aux côtés de la Chambre de commerce d’industrie de Paris Ile-de-France (CCIP), n’a toujours pas entamé de discussions avec les créanciers du groupe. Un statu quo qui ne semble pas près de changer, en raison du niveau de tension extrême entre les deux parties.
Le péché originel ? L’ouverture de la procédure de sauvegarde le 22 septembre, qui a été prolongée en mars de six mois supplémentaires. En enclenchant ce recours, le pool de prêteurs historiques a explosé. A l’exception de Crédit Agricole CIB, toutes les banques (HSBC, BNP Paribas, ING…) et les fonds de dette titrisés (CLO) ont cédé leurs créances. Une brèche dans laquelle se sont engouffrés Strategic Value Partners et Attestor, deux hedge funds faisant depuis partie des principaux créanciers aux côtés des prêteurs historiques que sont KKR et Hayfin. Avec une proposition indécente pour le pool d’actionnaires : laisser les quatre fonds injecter 175 millions d’euros, dont 100 millions de new money super-senior et 75 millions de fonds propres – éventuellement souscrits par les actionnaires historiques. En parallèle, le nouveau pool de prêteurs s’engageait à échanger la moitié de leur dette de 580 millions d’euros en actions, afin de réduire drastiquement l’endettement du groupe. Un schéma qui donnerait la majorité du capital aux créanciers.
110 millions de new money
Du côté de Predica et de la CCIP, la proposition ne passe pas. Le duo n’entend pas délaisser Comexposium, dont l’intégralité du capital avait été valorisée 740 millions d’euros il y a deux ans. L’un et l’autre ont donc récemment décidé de débloquer un financement obligataire de 110 millions d’euros (avec intérêt à 4,5%) pour les besoins opérationnels de Comexposium et le paiement des indemnités lié à la négociation des engagements d’acquisition. Un dernier point de la plus haute importance. Le groupe avait en effet levé le voile en décembre 2019 sur le rachat d’Europa pour 220 millions d’euros, ainsi que sur une multitude d’acquisitions (L’Etudiant, Imcas…) pour près de 80 millions. Mais en raison de la crise sanitaire, l’acquéreur n’est pas allé au bout de ces engagements d’acquisition, le contraignant à négocier des indemnités. Le placement de Comexposium en procédure de sauvegarde avait d’ailleurs été justifié par la nécessité de régler ce problème. Un point dont la résolution serait en bonne voie. Selon nos informations, la facture pourrait être réduite de près de 70 millions d’euros. Une épine de moins dans un dossier néanmoins victime d’un statu quo. Les deux parties ont tenté d’actionner le Comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri), qui n’a pas voulu se saisir du dossier.
Terrain judiciaire glissant
«Predica et la CCIP sont des actionnaires peu sophistiqués. Je pense qu’ils n’ont pas perçu l’effet domino qu’allait provoquer l’ouverture de la sauvegarde. Depuis plus de six mois, il n’y a plus aucun échange avec les prêteurs. C’est le principe même de la sauvegarde qui est dévoyé», regrette un proche du dossier. Pour tenter de forcer la communication, SVP et Attestor ont engagé une procédure judiciaire au Royaume-Uni, a appris L’Agefi. Une démarche justifiée par le fait que le contrat du prêt est régi par le droit anglais (comme dans l’écrasante majorité des grandes opérations de buy-out). Mais à ce jour, les actionnaires refuseraient de transmettre des éléments financiers et un accès au management, prétextant que la sauvegarde rend le contrat nul et non avenu. «Il y a aujourd’hui une jurisprudence qui souligne le fait que la sauvegarde suspend les obligations de paiement, mais que le contrat reste en l’état. Le plan de Rallye en était l’illustration», souligne un avocat. Contacté, Predica n’a pas répondu à nos sollicitations.
Dans le camp des prêteurs, la raison de cette opacité est pourtant limpide. «Si les actionnaires refusent que le management rencontre les créanciers, c’est uniquement pour éviter de se retrouver en porte-à-faux. Car il y a fort à parier que Renaud Hamaide (le président de Comexposium, NDLR) prendrait position en faveur de l’offre des créanciers», estime une source. En l’absence de restructuration, tout projet de rapprochement avec GL Events, un temps évoqué par Renaud Hamaide, ne pourrait avoir lieu. Sans discussions, un seul scénario tient actuellement la corde : l’étalement de la dette. Les conséquences seraient toutefois aussi bien dommageables pour les créanciers que pour Comexposium, qui perdrait à moyen terme sa capacité à lever de nouveaux financements pour mener à bien sa feuille de route. Avec à la clef, les risques de perdre du terrain sur ses concurrents européens et de fuite des principaux cadres du groupe.
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