
Carlyle fait monter les enchères des LBO géants en Europe

C’est la plus grosse opération de private equity en Europe continentale depuis 2007, lors du rachat d’Intelsat pour 12,2 milliards d’euros par BC Partners, Silver Lake et Unison Capital, selon les données de Preqin. Hier, le fabricant néerlandais de peinture Akzo Nobel a annoncé vendre son activité de chimie fine au fonds américain Carlyle et au fonds souverain singapourien GIC (qui prend généralement une participation minoritaire) pour une valeur d’entreprise de 10,1 milliards d’euros, dette comprise. Il s’agit de la plus grosse entrée d’un investisseur financier au capital d’un groupe chimique dans le monde, selon les données enregistrées par Dealogic depuis 1995. Pour Carlyle, c’est le quatrième plus gros deal toutes géographies confondues en tant qu’acquéreur, et sa plus grosse opération de tous les temps en Europe.
Le financement aurait inclus 6 milliards d’euros de dette tirée et 750 millions d’euros de lignes non tirées. Barclays, HSBC et JPMorgan auraient conseillé Akzo, proposant aux acheteurs un financement bancaire (staple financing) de 7 milliards d’euros, représentant un levier d’environ 6,25 fois l’Ebitda, soulignent les analystes de S&P Global Market Intelligence.
Pour Akzo Nobel, la cession est un moyen de stimuler son cours de Bourse afin d’apaiser ses actionnaires, notamment l’activiste Elliott, furieux qu’il ait refusé l’année dernière une offre à 27 milliards d’euros de son rival américain PPG. Hier, l’action a pris jusqu’à 5,7%, à 79,34 euros à la Bourse d’Amsterdam, sa plus forte hausse en pratiquement un an, mais en dessous de l’offre à environ 95 euros en espèces et en actions de PPG.
Réduire la décote de conglomérat
La cession devrait générer un produit net de 7,5 milliards d’euros, dont la majorité sera redistribuée aux actionnaires. Le prix de vente représente près de 10 fois l’excédent brut d’exploitation, tandis que des banquiers conseillant des acheteurs potentiels tablaient sur un ratio de 8 à 9 fois. Le rachat permet aussi de simplifier la structure de l’entreprise afin de faciliter sa valorisation : les investisseurs se plaignaient d’une «décote de conglomérat».
La chimie fine est l’une des divisions les plus profitables d’Akzo, générant environ 40% de son bénéfice opérationnel ajusté. En 2017, les revenus de la division ont augmenté de 4%, à presque 5 milliards d’euros tandis que le bénéfice opérationnel a pris 10%, à 689 millions d’euros.
Sur cette acquisition, Carlyle a remporté des enchères contre au moins trois rivaux : Apollo associé au néerlandais PGGM, une alliance entre Bain Capital Private Equity et Advent International, et enfin le hollandais Hal Investments.
Carlyle s’y connaît en acquisitions dans la chimie. Fin 2016, il a acheté la filiale de chimie de spécialité de Total, Atotech, pour 2,9 milliards d’euros. En 2013, il avait acheté Axalta, rival d’Akzo : un an après, ayant changé la direction et réduit les coûts, il a coté la société en Bourse et doublé sa mise.
Les enchères grimpent dans le private equity, où les fonds mondiaux doivent trouver comment investir toujours plus de capitaux. L’industrie a levé 453 milliards de dollars en 2017, totalisant plus de 1.000 milliards de dollars à investir, selon Preqin. En décembre, KKR a obtenu les pâtes à tartiner d’Unilever pour 6,8 milliards d’euros, au nez d’Apollo et de CVC Capital Partners. Puis en janvier, un consortium emmené par Blackstone a acheté les terminaux financiers de Thomson Reuters pour 14 milliards d’euros. «Si l’industrie faisait une due diligence d’elle-même, ces tendances constitueraient un avertissement», souligne Bain dans un rapport publié fin février.
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