
Antoine Jarmak (Crédit Mutuel Equity) : «Le temps financier ne doit plus dicter le temps des projets»

L’Agefi : A l’automne 2020, Crédit Mutuel Equity avait l’ambition de se lancer sur le segment de l’infrastructure, en s’ouvrant à des tiers. Où en êtes-vous ?
Antoine Jarmak : A l’occasion de notre conférence de presse organisée fin 2019, nous avions effectivement fixé le cap de l’automne 2020 pour ce lancement. Cela dans l’optique de financer les trois priorités que sont les transitions écologique et numérique, ainsi que les enjeux démographiques. Le confinement imposé à la suite de l’avènement de la pandémie de Covid-19 nous a cependant contraint à retarder la commercialisation de notre premier fonds dédié à l’infrastructure. Mais le lancement auprès des investisseurs tiers démarre dès à présent et nous espérons clôturer ce premier véhicule de 500 millions d’euros dans le courant de l’année, si possible. D’ici 2025, Crédit Mutuel Capital Privé vise une enveloppe globale dédiée à cette classe d’actifs d’un milliard d’euros – somme sur laquelle Crédit Mutuel Equity, sponsor du Fonds, prévoit de s’engager à hauteur de 50 %.
Vous êtes déjà présents sur les segments du capital-risque, du capital-développement et du LBO. Pourquoi avoir fait le choix d’élargir votre stratégie vers l’infrastructure ?
Avec 3,5 milliards d’euros de fonds propres et une activité toujours autofinancée, Crédit Mutuel Equity n’avait pas besoin de trouver des capitaux supplémentaires. En revanche, nous avons souhaité répondre à la clientèle du Crédit Mutuel Alliance Fédérale et du CIC en leur offrant des solutions de co-investissement par le biais de notre filiale de gestion pour compte de tiers, Crédit Mutuel Capital Privé. Le choix de l’infrastructure a été naturel car cette typologie d’actifs nécessite une approche de long terme correspondant parfaitement à l’ADN de notre groupe. Crédit Mutuel Equity est un acteur majeur des financements dans les territoires et la grande majorité des décisions que nous prenons le sont au niveau local au travers de nos huit implantations en France. Cette affinité avec le temps long est présente depuis le lancement de notre activité dans le private equity, il y a plus de trente ans. Que ce soit dans le cadre de nos investissements en capital-risque, en capital-développement ou en capital-transmission, nous nous adaptons au rythme de l’entreprise. Le temps financier ne doit plus dicter le temps des projets, la logique doit être inversée. Cette guideline, nous la suivons dans nos activités de private equity, où un quart de nos 350 participations en portefeuille sont détenues depuis plus de dix ans. Pour nos fonds infra, la logique sera la même et nous les avons d’ailleurs pensés pour une durée de vie de 25 ans.
Les fonds d’infra se multiplient sur le marché depuis quelques années. Comment comptez-vous vous distinguer ?
L’écrasante majorité des opérations dans le secteur infra porte sur des actifs brownfield. Nous comptons donc nous adresser à ce marché en privilégiant le greenfield, afin d’être au plus près des territoires et des besoins des collectivités locales et très en amont dès le démarrage de la construction des projets. A terme, le greenfield devrait représenter les deux tiers de nos opérations – lesquelles se feront pour plus de la moitié dans les énergies renouvelables. La taille de nos tickets moyens avoisinera 30 à 50 millions d’euros en equity, ce qui nous permettra de répondre à des projets pouvant aller si besoin jusqu’à un milliard d’euros, en nous appuyant quand cela sera nécessaire sur des co-investisseurs. Dans nos activités de private equity, nous avons optimisé nos retours sur investissement en nous adaptant aux temps des projets des entreprises. Ici, nous le ferons en suivant les opérations depuis leur construction jusqu’à la fin de leur durée d’exploitation.
Combien avez-vous déjà investi sur cette nouvelle stratégie et comment vous projetez-vous dans vos métiers historiques ?
En moins de six mois, notre fonds Siloé Infrastructures a déjà injecté près de 100 millions d’euros dans trois opérations. Fin 2020, nous nous sommes associés au développeur TTR Energy, ainsi qu’à la Banque des Territoires, à Amundi Transition Energétique, à Generali Global Infrastructure et à Mirova pour créer Hexagon Renewable Energy. Ce producteur d’électricité a acquis un portefeuille de 19 projets éoliens à travers la France. Cette année, nous avons aussi racheté à Voltalia un portefeuille hébergeant trois parcs d’énergies renouvelables, puis repris au développeur français TSE le deuxième parc photovoltaïque de France, dans la Meuse avec la réhabilitation en cours d’une ancienne base de l’Otan.
La croissance de cette nouvelle activité va de pair avec le développement de nos stratégies historiques. En capital-risque, nous comptons arriver rapidement à 250 millions d’euros, contre 150 millions aujourd’hui. Ce mouvement suit l’évolution de la classe d’actifs et nous permettra d’investir entre 10 et 15 millions d’euros par opération, alors que nous étions historiquement sur des montants inférieurs à 5 millions d’euros. Le capital-développement, métier historique de Crédit Mutuel Equity, représente quant à lui les deux tiers de nos investissements (tickets de 1 à 100 millions d’euros), tandis que le solde est représenté par le capital-transmission (tickets jusqu’à 150 millions d’euros). La part de ce segment Infrastructure représentera donc au terme de 5 ans environ 15% de nos actifs au bilan.
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