Défiscalisation : la Cour de cassation constate la responsabilité des professionnels

En 2007, des contribuables ont acquis auprès d’un promoteur un bien immobilier en état futur d’achèvement en vue de réaliser un investissement locatif défiscalisant. Un conseiller fiscal, la société Nexalys, a servi d’intermédiaire. L’opération a été financée par un emprunt souscrit auprès de la caisse de Crédit mutuel Audincourt. Les acquéreurs ont confié un mandat de gestion du bien à la société Arcalis et gestion, devenue Terrenciel gestion.
Les acquéreurs ont agi en nullité des contrats de vente, de prêt et de gestion pour dol et en indemnisation.
La Cour d’appel a condamné le notaire in solidum avec le promoteur, le prêteur et le gestionnaire, à verser aux acquéreurs une certaine somme à titre de dommages-intérêts.
Sur la responsabilité du notaire:
Il est rappelé que le notaire est tenu d’une obligation de conseil et de mise en garde pour que les droits et obligations réciproques légalement contractés par les parties, répondant aux finalités révélées de leur engagement, soient adaptés à leurs capacités ou facultés respectives et soient assortis des stipulations propres à leur conférer leur efficacité, sans que leurs compétences personnelles ni la présence d’un conseiller à leurs côtés ne le dispensent de cette obligation.
Pour la Cour de cassation, la Cour d’appel a constaté:
- que les acquéreurs avaient pour objectif de réaliser une opération de défiscalisation ayant pour finalité de financer sans apport, grâce aux seuls avantages fiscaux, l’acquisition d’un appartement,
- que tous les professionnels impliqués dans l’opération, par les relations privilégiées tissées entre eux, connaissaient parfaitement les risques très importants qui étaient attachés à l’investissement en raison d’absence de marché locatif local,
- que le notaire, partenaire habituel du promoteur et du conseiller financier et fiscal, avait été imposé aux acquéreurs comme notaire instrumentaire unique du programme de défiscalisation, dont il connaissait tous les risques financiers, fonciers et économiques.
En conséquence, la cour d’appel a pu en déduire que, par son silence et ses manœuvres, le notaire avait dolosivement failli à son obligation d’information et contribué à tromper les acquéreurs.
Sur la responsabilité du promoteur:
- Pour l’exécution du programme de défiscalisation, avait été mis en place un partenariat étroit entre promoteur, conseiller financier et fiscal, prêteur, notaire et gestionnaire
- Le promoteur, qui connaissait les tenants et aboutissants des avantages fiscaux applicables et les conditions dont dépend la sécurité d’une telle opération, avait conclu un mandat avec le conseiller financier et fiscal aux termes duquel le mandataire recrutait, négociait et formalisait les acquisitions des lots.
En conséquence, la cour d’appel a pu en déduire que les fautes caractérisées, commises délibérément par le mandataire et constitutives d’un dol, étaient opposables au mandant, comme ayant été accomplies dans les limites du mandat conféré.
Sur la responsabilité du prêteur:
- Le prêteur avait agi comme partenaire du promoteur et du conseiller financier et fiscal et en qualité de banquier unique imposé pour tout le programme de défiscalisation, dont il connaissait tous les aspects
- Il avait été imposé aux acquéreurs qui, jusqu’alors, n’entretenaient pas de relations contractuelles avec lui et qui, dans leurs conclusions, avaient indiqué s'être pliés à un schéma financier et juridique pré-établi.
Cour de cassation, chambre civile 1, 15 juin 2016, 15-14192 15-17370 15-18113
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